Le 6 mars 1932, les lecteurs ariégeois de La Dépêche étaient intrigués par un article de D. Lamothe au titre accrocheur : « Est-ce une nouvelle ruée vers l’or ? » Sous la conduite d’un allemand une troupe de « Polaires » se livrent à des fouilles dans la région de Massat. (1)

On peut dater de cette époque l’engouement extraordinaire du grand public pour le pays cathare et pour Montségur en particulier, symbole de la résistance des Parfaits, contre l’envahisseur français. Il fallut, en effet, près d’une année à l’armée du bon roi saint Louis, à Hugues des Arcis et aux inquisiteurs dominicains pour venir à bout le 16 mars 1244, de deux cent quinze cathares, qui assuraient la défense du lieu. S’il est un secret bien gardé et ce, depuis plus de sept cents ans, c’est bien celui de Montségur. Enigmatique château de ces Pyrénées ariégeoises perché entre ceps et nuages, sur un « pog », vaste plateau calcaire entouré de falaises abruptes de plus de cent mètres de haut.

Nous avons reçu au mois de septembre dernier, de monsieur Daniel Campergue (2), un ouvrage d’une rare érudition que nous qualifierons -d’exceptionnel- et nous pesons nos mots, puisque le secret de Montségur y est dévoilé, parfaitement, rien de moins. Ce document qui se présente sous la forme d’un tapuscrit de 143 pages (3) nous propose une étude à nulle autre pareille, encore jamais formulée de cette manière. Ce travail de chercheur passionné, éblouissant de connaissances scientifiques, de connaissances mathématiques et physiques, mais aussi astronomiques et architecturales, nous propose de le suivre dans sa démonstration, accompagné qu’il fut lui-même par un aréopage d’exception, de scientifiques et de spécialistes en tout genre, qui vinrent tour à tour l’épauler de tout leur savoir, dans ses études, pour confirmer et vérifier sa thèse. (4) Ce qui fait de cette étude non seulement un document incontournable pour tout chercheur s’intéressant à Montségur, mais encore un chef d’œuvre, nous le pensons.

Nous avons donc le plaisir, aujourd’hui, d’évoquer cet ouvrage, le solstice d’été approchant (5) en ce mois de juin – tout initié se devant d’avoir vu au moins une fois dans sa vie ce phénomène solaire s’activer à Montségur. Ce jour là, précisément, dans le donjon du château, le premier rayon de soleil à l’horizon vient transpercer et traverser les archères avec une précision millimétrique. (6) Toute la thèse de Daniel Campergue repose sur l’étude du phénomène solaire à cette heure-ci de l’année, qui lui permet à travers des calculs particulièrement savants, incontournables, d’apporter la preuve scientifique que le château de Montségur a bien été construit selon une orientation solaire cardinale prédéterminée, parfaite et rigoureuse, que connaissaient les bâtisseurs d’alors. Le point fort de l’exceptionnel travail de monsieur Daniel Campergue est d’avoir réussi à connecter et à superposer dans son étude, le plan masse du château de Montségur avec le graphique d’une carte à Rumbs (7). Ces modèles de cartes, les premières répertoriées datent de 1300 (8), elles servaient jadis à la navigation, ce sont les fameux portulans. Cette étude permet de retrouver non seulement tous les axes majeurs parfaitement orientés par rapport au château, mais aussi tous les angles de 11,25 ° représentatifs de la carte à Rumbs. Devant un travail aussi important, après tout la solution est tellement simple qu’il suffisait de l’énoncer, et aussi fondamental, on s’étonne du peu d’intérêt que suscite cette découverte majeure pour l’histoire de Montségur, auprès des médiévistes, des archéologues, des astronomes, (il est somme toute curieux que l’application d’une carte à Rumbs dont la fonction était l’orientation en mer, ait pu servir à l’édification d’un château…), des chercheurs et des amoureux du pays cathare.

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Nous ne pouvons que regretter cependant, et cela ne plaide pas en faveur de l’auteur, du peu de considération faite au lecteur, profane ou averti, devant les démonstrations arithmétiques, algorithmiques, astronomiques et autres…, qui ajoutées à un nombre impressionnant de graphiques, tableaux, schémas et statistiques, constituent près de quatre vingt quinze pour cent du document proposé et qui empêchent toute lecture quelle qu’elle soit. Il n’est certes pas à la portée du premier venu de pouvoir décoder, sans broncher, les polynômes de Tchebycheff, (eh oui il y a aussi des « initiés » chez les mathématiciens !) ou l’application de la formule permettant le « calcul du temps sidéral et du temps moyen à Montségur. »

En réalité plus qu’un regret que nous exprimons, c’est une faute que nous constatons. Et finalement on comprend mieux pourquoi cette étude si importante est en train de passer inaperçue aux yeux de tous. (9)

Reste heureusement, un dessin simple, très simple, suffisant, que nous présentons, ici et maintenant, aux lecteurs de La Lettre de Thot, explicite en soi et c’est bien là l’essentiel. Une exceptionnelle démonstration mathématique et graphique qui perce à jour, tel un rayon de soleil levant au solstice d’été, le Secret de Montségur, écho figé dans les cendres de nos mémoires, chant sacré des gentils bonshommes, au moment où s’envolent à l’horizon des terres ancestrales un ultime vol de gerfauts.

Mais chut ! Il n’y a rien de cathare ici … Pas même un château…

Il y a un secret pourtant, le Secret de Montségur, révélé par monsieur Daniel Campergue.

Les Bergers d’Arcadie © « La lettre de Thot » No 6, juin 2003. DR.

(1) Christian Bernadac, Le Mystère Otto Rahn, FE ed. 1978.
Les travaux de fouilles proprement dits débutèrent officiellement en 1947. (NdLR)

(2) Monsieur Daniel Campergue est mathématicien et physicien, Maitre de conférences à l’Université de Perpignan et spécialiste en architecture médiévale.

(3) En vente chez l’auteur – Campergue Daniel, 12 rue de la Corvette, 66140 Canet en Roussillon. (daniel.campergue@wanadoo.fr)

(4) Ont aidé ou participé à l’élaboration de cette publication :
– M. JP Augot et M. L Bayrou, architectes des bâtiments de France.
– M. B Banyuls, architecte urbaniste à Perpignan, Pdt de l’association d’astronomie Terre-Univers.
– M JP Baruseau, Professeur à l’université de Perpignan, laboratoire de sédimentologie marine (CEFREM)
– M P Bretagnon, astronome et M F Colas, chargé de recherche, au Bureau des Longitudes.
– M A Czeski, responsable des fouilles et M M Sabatier, Pdt du GRAME (Groupe de recherche archéologique de Montségur et des environs.)
– M C Descamps, maître de conférences à l’université de Perpignan et Pdt de l’ARESMAR et M M Salvat, technicien des fouilles et membre du bureau.
– M P Garnier, ancien guide au château de Montségur.
– Des étudiants de l’IUP, de génie des systèmes industriels.
– M JC Ruatta, ingénieur, géomètre, topographe.

(5) 21 juin 2003, 19h 11. UTC.

(6) Voir les photographies en illustration de notre article © Arcadia.
Ainsi que l’article consacré à Montségur dans le Numéro Spécial Arcadia, juillet 2002.

(7) Voir l’illustration en tête d’article. Daniel Campergue ©. La justesse de la superposition de ces deux graphiques est, à quelques degrés près, (mais cela est insignifiant pour une construction de cette époque, surtout sur un terrain aussi accidenté que le «pog» de Montségur) tout à fait parfaite.

(8) Cette date est importante pour Daniel Campergue, puisqu’elle lui permet de laisser entendre que, si il y a bien construction avec orientation solsticiale – la date de 1300 si l’on se réfère aux plus anciens portulans connus étant postérieure à l’épopée cathare – le château de Montségur, tel qu’il se présente aujourd’hui, ne peut être cathare. Curieuse démonstration en réalité, de la part d’un scientifique, très largement entachée de partialité, nous le regrettons, et nous nous expliquons.
En effet, cette analyse, posée comme telle, apporte beaucoup plus de contradictions à l’auteur qu’elle ne résout de problèmes. Tout d’abord les spécialistes ne sont pas d’accord entre eux quant à la date exacte de reconstruction du château, avant ou après 1300. Mais laissons cela. Plus grave, de façon irréfutable, l’auteur dans son ouvrage fait la démonstration que le «château» de Montségur n’a rien d’une construction fortifiée au sens médiéval du terme, statistiques à l’appui.
Il faudra donc que l’on nous explique, si ce château n’est pas cathare et n’a rien de cathare au sens ésotérique du terme (ce qui n’a rien de péjoratif pour nous), pour qu’elles raisons, disons nous, les envahisseurs français reconstruisirent un «château» :
1 / Parfaitement orienté à l’horizon.
2/ Selon des normes spatiales à peine connues pour l’époque, et dont on ne trouve pas d’équivalent nulle part.
3/ Sans fortifications adaptées et traditionnelles selon les lois architecturales et défensives en vigueur en ces temps, alors que la construction d’un château, tout au moins pour l’époque, et compte tenu du contexte belliciste, est quand même supervisée, pour le moins, par des militaires.
On le voit la tâche ne sera pas mince à l’auteur, pour expliquer ses contradictions. Il eût peut-être été plus simple d’envisager que ce château a bien été construit, ou reconstruit à l’identique, selon des connaissances connues par des cercles d’initiés cathares, rappelons pour mémoire l’importance stratégique des cours d’Occitanie à l’époque et notamment celles des Comtes de Toulouse et l’accointance qu’ils avaient, par mariages interposés notamment, avec le monde musulman d’alors, détenteur d’une très grande partie des connaissances physiques, mathématiques, astronomiques et maritimes, dans cette partie du monde. Ce qui expliquerait bien des choses…

(9) Nous notons par ailleurs, et c’est dommage, que ne soient pas cités dans cet ouvrage les noms de Xavier Guichard et de Pascal François Joseph Gosselin (1792-1859). Le premier reprit dans les années 1930 les études de Gosselin, géographe français. Tous deux avec l’aide de la toponymie, conçurent et adaptèrent des cartes terrestres basées sur les principes de la carte à Rumbs.