Lorsque l’on parle du village perché de Rennes-le-Château, les initiés aux mystères du Razès traduisent immédiatement par : « Le trésor du Temple de Salomon découvert par le curé Bérenger Saunière et la descendance davidique de Clovis le mérovingien ». Quant à Saint-Geniez-de-Dromon, dans les Alpes de Hautes Provence, mis à part quelques individus appartenant au cercle restreint de « ceux qui savent », peu de gens réagissent à l’évocation de ce village situé à 17 kilomètres à l’est de Sisteron (1).

Bien que d’aucuns puissent penser aux énigmes du Locus de Théopolis, dont l’inscription de « Pierre Écrite », gravée vers l’année 420 sur la falaise éponyme, est la clef de voûte du dispositif cryptique, que nous entendons dévoiler.

Nous citons : « Claudius Postumus Dardanus, homme illustre, revêtu de la dignité de Patrice, ex-consulaire de la province viennoise, ex-maître des requêtes, ex-questeur, ex-prêteur des Gaules, et Nevia Galla, noble et illustre dame, son épouse, ayant fait couper les flancs de la montagne de chaque côté, ont procuré un chemin viable au lieu dont le nom est Théopolis, lieu qu’ils ont fortifié par des murailles et des portes. Le travail, fait dans leur propriété particulière et destiné néanmoins par eux à servir à la sûreté de tous, a été exécuté avec l’aide de Claudius Lepidus, compagnon et frère du susdit, ex-consulaire de l’empire. Afin que leur sollicitude pour le salut de tous et un témoignage de la reconnaissance publique pussent être montrés par cette inscription. ». Là, se trouve le commencement de la piste tentaculaire…comme eût pu nous l’indiquer le poulpe gravé sur la dalle mortuaire de la marquise de Hautpoul, épouse du seigneur de Rennes-le-Château, DCD un 17 janvier, fête des saints : Sulpice, Roseline, Antoine, Dagobert…

Comme à Rennes-le Château, à Saint-Geniez-de-Dromon se trouverait un trésor similaire, ainsi qu’un dépôt d’archives atlantidéennes post-diluviennes. C’est-à-dire : un « Gîte secret du Lion », tel que le défini Georges H. Williamson (2). « Semblable à un lion avide de sa proie, et à un jeune lion tapi dans ses gîtes secrets » (PS. XVII – 12). Gîte, faut-il le souligner, sous haute protection des Veilleurs de l’Intemporel. (3)

Le mythique trésor de Rennes-le-Château fut transporté de Rome vers Carcassonne dans les chariots des peuples wisigoths, vers 413 et dissimulé dans les mines du Razès. Curieusement le trésor du rocher de Dromon-Théopolis date approximativement de la même époque, dissimulé qu’il fut, sur les ordres d’un «affidé» d’Athaulfe, roi des Wisigoths. Cet affidé se nommait Claudius Postumus (4) Dardanus, préfet du prétoire des Gaules de 409 à 414 qui, suivant ce que dit « Pierre Écrite », fit fortifier le locus cui nomen theopolis est, (un lieu qui se nomme Théopolis), pour la sécurité et le salut de tous. Un locus est un lieu très particulier, possédant des caractéristiques cosmo-telluriques qui en font un haut lieu des cultes antiques et primitifs.

« Des anges vinrent sur Terre, trouvèrent désirables les filles des hommes, en firent leurs épouses et leur donnèrent progénitures. »

Phrase énigmatique s’il en est mais qui, à la lueur du soleil de midi, pourrait bien trouver ici une clameur toute initiatique, il est vrai.

La route partant de Sisteron en direction de Saint-Geniez, traverse la Durance et nous conduit, par la crête des Monges et le sommet de Nibles, au cœur d’un massif de moyennes montagnes culminant à 2000 mètres d’altitude.

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Le sommet de Nibles indique la présence en ce lieu, à la même époque que celle de Dardanus, du peuple des Burgondes auquel, on le sait, s’attache la légende des Nibelungen (5) et, bien entendu, de leur prodigieux trésor dissimulé dans une caverne située près d’une cascade. Sur ce trésor veille le nain-magicien Andwari, métamorphosé en brochet. A tout trésor son Dragon, ou pour le moins son gardien. En provençal « Nibles » désigne les nuées ou nuages, et donc parait rendre crédible la présence historique des Burgondes-Nibelungen, et nous n’oublierons pas de signaler, dans le même temps, qu’une première dénomination de la fameuse Société Angélique, fut aussi appelée « la Nuée », ou encore « le Brouilllard ». Toujours en provençal « Monges » désigne les moines, et l’on ne peut éviter de faire le rapprochement avec les moines-soldats de l’Ordre du Temple qui possédaient de nombreuses terres dans ces montagnes… Les Seigneurs des Nuages seraient les descendants des mythiques « Seigneurs de l’Anneau et du Dragon » dont les royaumes post-atlantidéens s’étendaient des rivages du Grand Océan aux sables du désert de Gobi. On peut concevoir aisément qu’il existe dans ces thèmes de quoi rêver et s’émerveiller devant toutes ces prodigieuses épopées humaines ignorées par l’Histoire classique des universitaires (6).

On lira cependant avec attention, sur la très possible existence de ces peuples post-atlantidéens les annales de Galfredus, pages 45 à 65, de l’Histoire abrégée de la Provence par Nicolas Fabri de Peiresc (1580 – 1637), conseiller au Parlement d’Aix-en-Provence.

En tant que préfet du prétoire des gaules, résidant en Arles, disposant de nombreuses troupes sous ses ordres, Dardanus se devait d’accorder son autorisation au passage des chariots wisigoths, en route vers Carcassonne, pour fonder le royaume de Septimanie. Apparemment, Dardanus ne fit aucune difficulté pour le passage du peuple Wisigoth qui s’était allié à ses légions pour assiéger en 414, dans Valence, les troupes de Jovinius, noble Arverne, usurpateur cependant de la pourpre impériale. Jovinius fut fait prisonnier par Gunthiar, roi des Burgondes allié à Dardanus, ce dernier suivant Sidoine Apollinaire (431 – 489) évêque de Clermont-Ferrand, égorgea de son glaive l’usurpateur dans Narbonne. Sidoine Apollinaire écrit que Dardanus était le plus cruel des félons existant en son siècle. Ce qui me parait vraisemblable. Les Burgondes donc, assimilés aux Nibelungen de la légende, alliés de Dardanus, vinrent sans doute s’installer dans le secteur de Théopolis et les vicissitudes des combats les conduisirent à y dissimuler leurs trésors. C’est aussi ce qui ressort du livre d’Alfred Weysen, «L’île des Veilleurs» (7). Alfred Weysen pendant quarante ans rechercha dans le haut Verdon, la Cité Initiatique d’Aeria, tout empreinte des mystères du Cosmos. Ainsi peut-on lire dans cet ouvrage fondamental à la bonne compréhension des mystères de la Provence, p 334 : «L’installation des Burgondes descendus de la Baltique vers la Gaule, puis la Savoie et la Provence, laisse entrevoir un lien essentiel près de Sisteron, par les toponymes de Nibles -les Bourguignons- le Rocher de Hongrie, la Chapelle de Saint-Didier, le plateau de Gache (où est gravé l’Anneau). Tous liens évocateurs du drame des Nibelungen (8).» Les Wisigoths du roi Wallia le sanguinaire, succédant à Athaulf, assassiné en en 417, paraissent avoir été les vrais adversaires des Burgondes-Nibelungen. De la sorte, en plus du trésor de Dardanus dont une partie aurait été «prélevée» dans les chariots des Wisigoths, pour droits de passage en Provence, dans le secteur de Dromon-Théopolis, se trouverait le trésor des Nibelungen.

Et, selon la Tradition, comme nous l’avons laissé entendre plus avant, ces trésors des anciens rois seraient toujours sous l’inflexible surveillance d’un gardien tutélaire, image -mais pas seulement- hiératique et sacrée de la maintenance, sans équivoque, du seuil à identifier et à franchir, s’il se peut.

L’existence de ce possible trésor de Dardanus fut aussi curieusement confirmée par un article de la « Tribune de Genève » de février 1995, qui mentionne « une ville -Théopolis- qui pourrait abriter le trésor d’un haut fonctionnaire romain. » A cela, il convient d’ajouter qu’à Saint-Geniez de Dromon, entre 1935 et 1950, le curé Jourdan, maire du village et digne émule de l’abbé Bérenger Saunière, fonda la « Société Archéologique Sisteronnaise » dont le but avoué était la recherche du tombeau de Dardanus et de son trésor… Apparemment, le curé Jourdan et son équipe ne trouvèrent jamais quoi que ce soit, car suivant la vox populi à Saint-Geniez comme à Rennes-le-Château, Asmodée veille jalousement sur le trésor des Rois, et il n’est pas question pour lui de s’y faire prendre à deux fois. Ce maléfique gardien cornu et fourchu résiderait toujours, si l’on en croit certains témoignages encore récents, dans les environs de la chapelle de Dromon.

Chapelle que recouvrirait un antique temple païen.

Cependant, ayant trouvé dans l’atelier du forgeron du Castrum Dromonus, enfoui dans un monticule de scories, un très beau creuset portant incrusté en son pourtour des traces d’or, le curé Jourdan en conclut que cet or provenait du torrent du Vançon et dirigea par la suite avec son équipe, ses recherches, vers ce secteur de la vallée. De nos jours encore, des touristes en nombre, munis de leurs battées, recueillent des paillettes d’or sur place. Cependant la tradition locale ajoute à cet aspect du Vançon, une autre caractéristique. Ses eaux glaciales, même en août, possèderaient un pouvoir magique. Selon Alexis de Combe de la Sylve de Mison, poète Cante-Perdricien contemporain de Paul Arène, le Vançon serait comparable au Scamandre, fleuve de Phrygie où les filles à marier venaient la veille de leurs noces s’offrir aux Dieux lubriques qui hantaient ses rives. Ce qui laisse sous-entendre que les eaux de Saint-Geniez serait aphrodisiaques. Peut-être est-ce la raison qui conduisit le Prince de la Trémoille, Comte de Thouars, à se faire construire une résidence bucolique sur les rives du Vançon où les filles de la vallée venaient faire leurs ablutions et se baigner dans le plus simple appareil. Les révélations d’Alexis n’étaient pas tombées dans des oreilles qui ne savaient pas entendre. Il y a pourtant quelque chose de véridique dans cette histoire car, de l’Antiquité jusqu’au XIVe siècle, une grosse source jaillissait dans le ravin du Gour, au pied du Rocher de Dromon et était réputée pour ses pouvoirs de fécondité, sous la protection de Grosellos, divinité gauloise protectrice des sources de fécondité, que l’on retrouvera en Provence au Groseau et à Gréoux-les-Bains. (Nous ne pouvons, bien entendu, ne pas omettre de faire le rapprochement avec la «Pierre de Fécondité» située dans la crypte de la chapelle de Saint-Geniez, pierre d’un exceptionnel rayonnement, quasiment impossible à décrire à celui qui ne l’a pas au moins une fois approchée au cours de son existence.) Il se peut également que le Prince de la Trémoille cherchait lui aussi le trésor de Dardanus… en compagnie de l’auteur des 500 millions de la Bégum, car il est certain que celui-ci vint à Sisteron dans l’intention de procéder à des fouilles minières…

Effectivement sur la commune de Saint-Geniez existent d’anciennes exploitations de plomb argentifère. (à suivre)

Roger Corréard – article inédit © Juillet 2003 – DR / ARCADIA

Crédit Photographique : Site de Théopolis, photo Arcadia © et Photographie d’un bas relief à Rome représentant le portrait présumé de Dardanus. Document inédit, publié pour la première fois, « la lettre de Thot » No 7. Photo Alain Corrente © / Arcadia.

(1) Sisteron est la ville natale de l’écrivain poète Paul Arène (1843 – 1896) dont nous aurons à reparler dans le cadre de ce présent article. Pour des éléments biographiques concernant ce singulier auteur, on ne manquera pas de consulter l’ouvrage de Roger Gagnier, Paul Arène sa vie – son œuvre, MP – CPM ed. 1993.
Voir aussi notre article sur Théopolis dans le numéro spécial Arcadia, juillet 2002, p. 101, ainsi que les articles de Patrick Berlier, p. 28 et p. 110, sur le mont Pilat, Marie Madeleine, Polycarpe de la Rivière. Et les notes en annexe p. 127 – 177.

(2) Georges Hunt Williamson, Les Gîtes secrets du Lion, Arista ed. 1990.

(3) Voir mon ouvrage, Théopolis – Gîte secret du Lion, Groupe Sentinelle ed.

(4) Le prénom de Dardanus est Postumus, Dardanus étant ce que l’on peut appeler un cognomen, c’est-à-dire un surnom. Postumus est un terme particulier pour l’époque qui signifie : né le dernier après la mort du père, mais également et cela est plus intéressant en ce qui nous concerne, qui laisse un héritage. Or cette notion d’héritage indiqué par le vocable de Postumus, va se comprendre à deux niveaux d’interprétation. Le premier tout d’abord, il s’agit bien sûr d’un héritage matériel et celui-ci est sans conteste Pierre Ecrite, gravure lapidaire offerte à nos regards interrogateurs, inquisiteurs parfois, regards étonnés de voir une pierre de cette époque, plaquée à même la roche, avoir si bien traversé les rigueurs du temps. Le second, le plus important, est Théopolis, la Cité des Dieux, c’est là l’héritage spirituel de Dardanus et il nous appartient d’en découvrir et d’en comprendre avec l’aide si besoin du génie du lieu, sa signification profonde, symbolique et réelle. La Théopolis de Dardanus, en tant que «gîte secret du Lion de saint Marc» appartient certainement au patrimoine de l’Invisible, un héritage donc, initiatique et initiateur, pour celui qui saura découvrir le mystère de Pierre Ecrite et du rocher de Dromon.

(5) Helmut Berndt, Le message des Nibelungen, Robert Laffont ed. 1970.

(6) Nous tiendrons compte dans cet article de toutes les tendances affirmées que peut nous apporter le mythe théopolidien, dans tous ses aspects légendaires aussi bien qu’historiques, les faits étant là comme la partie émergeante d’une histoire bien plus complexe qu’il appartiendra au lecteur de resituer à son gré. Pour notre part, nous considérons que la part de rêve, c’est-à-dire mystagogique, qu’elle provienne de l’inconscient collectif ou de l’initié lui-même est au moins aussi importante que les faits eux-mêmes.

(7) Alfred Weysen, L’île des veilleurs et Le temple du secret et l’Apocalypse, Robert Laffont ed. 1986 et 1990.

(8) La présence des Huns dans la région parait être, par ailleurs, une affabulation ultérieure. NdA.