« L’œil de la chouette brille dans les ténèbres comme la gloire du sage au milieu de la multitude aveugle. » Précepte athénien

Le symbole est tout. Par le symbole, par une structuration d’un méta-langage codifié, connu et répertorié des initiés seulement, la pensée Traditionnelle autorise à rendre intelligible l’essence de la substance, nature naturante des choses du langage sacré, symboles gravés, peints, dessinés, blasonnés et même parfois murmurés, de bouche de maître à oreille de disciple. En vérité, la symbolique Traditionnelle permet de fendre, ex abrupto, la pierre d’angle, afin de se nourrir du miel contenu en son cœur. Mais, au-delà des archétypes, le sens du symbole ; dans ses différents degrés aspectés, religieux, astrologiques, alchimiques ou autres est bien un authentique langage initiatique, universel et crypté, qui nous assure -et nous rassure- qu’une clé découverte, comme le disait HP B., ouvrant une porte, ouvre toutes les portes.

Débutons tout de suite par quelques explications premières concernant la région de Vaour, qui est considéré par les historiens locaux comme étant anciennement localisée dans le pays des Affraux, mot synonyme d’Affreux, en ancien provençal Affre, et indiquant vraisemblablement qu’en des temps reculés, les habitants du lieu devaient être particulièrement belliqueux, dans des époques qui ne l’étaient pas moins (1). Cependant en faisant appel à la cabale phonétique, si chère à Claude-Sosthène Grasset d’Orcet, autrement dit «la Langue des Oiseaux», nous voulons donner une autre explication qui nous parait, sans exclure la précédente, avoir une valeur indubitable, en rapport avec cette commanderie, car le mot est aussi à rapprocher de celui d’Effraie, l’oiseau de nuit bien connu (Tyto alba), peuplant particulièrement cet endroit. Nous avons nous-mêmes, pu nous rendre compte sur place, qu’une quantité très importante de rapaces diurnes comme nocturnes nichaient les environs et dans le bois même de la commanderie de Vaour (2). La chouette, attribut d’Athéna, emblème de la Sagesse Traditionnelle nous inciterait-elle à suivre une piste mémorielle, donc, autant le dire, symbolique ?

« Au lieu désert de Vaour (Bahor ou Vahor, Vaor, puis Vaour ; dont la signification serait Le Ravin ou La Croisée des Vallées) flotte depuis quelques temps un nouvel étendard, parti de sable et d’argent. Cet étendard, c’est le Beaucéant, celui des Templiers, que les seigneurs de Penne, bienfaiteurs de la Commanderie, ont aidé à s’implanter dans la région. Ceci se passe autour des années 1140, les moines soldats possédant déjà quelques biens. Ils sont encore tels que les a vus saint Bernard : « cheveux tondus, poils hérissés, souillés de poussière, noirs de hâle et de soleil, aimant les chevaux rapides et non parés… », mais à mesure que le goût des croisades a diminué, les seigneurs et les dignitaires leur ont offert des biens immenses pour se dispenser d’aller combattre dans les pays d’outre-mer. A l’habit blanc, prescrit par le concile de Troyes du 13 janvier 1128, qui recouvre leur cotte de mailles, le pape Eugène III a ajouté en 1146 la croix rouge, mais les pauvres chevaliers du Christ n’en sont plus à vivre d’aumônes comme en témoignait le sceau de leur ordre sur lequel, par esprit d’humilité, ils avaient fait graver un cheval monté par deux cavaliers (3)».

NON NOBIS DOMINE, NON NOBIS SED NOMINI TUO DA GLORIAM

A titre d’éclairage, mais cela a son importance, permettons-nous rapidement une petite digression que nous ne nous serions pas pardonné d’avoir laissé passer, si telle avait été le cas, car cela est trop souvent oublié, puisque méconnu, même parmi les meilleurs exégètes du Temple.

En ce qui concerne la soi-disant pauvreté de l’Ordre et le sceau associé aux deux cavaliers sur le même cheval, telle que nous l’expliquent les auteurs de cette citation, elle est bien entendu -même si très largement partagée- pour le moins erronée. L’Ordre du Temple, composé de moines soldats, a toujours eu de quoi payer ses chevaux et en posséder autant qu’il en voulait. L’Ordre à la croix rouge a toujours été dominateur dans tous ses domaines de prédilection ; le combat (avec la prière), était sa fonction initiale, ne l’oublions pas. L’Ordre était riche, très riche, c’était alors la première puissance économique et financière des royaumes constituant l’Europe de cette période et il est resté extrêmement puissant jusqu’à sa chute en 1314. Ceci est incontestable. Sur ce sceau bien connu soulignons simplement que de très nombreux auteurs et parmi les plus érudits, dans le domaine des Sciences Hermétiques, ont donné par le passé, de multiples explications possibles. Pour l’instant, contentons-nous d’en retenir deux, des plus singulières. La première concerne l’aspect purement concret de cette image, puisqu’il est exact de dire, c’est trop peu su, que les Templiers ont réellement combattu à deux sur un cheval. A l’époque il était courant de voir des cavaliers en double, car il était indispensable de manipuler rapidement des armes lourdes en poids et pour certaines difficiles à recharger. C’est pourquoi il était nécessaire d’être deux car le second, celui positionné à l’arrière de la monture, avait ainsi une plus grande facilité de mouvement dans la bataille. Ce couple composé d’un cavalier hors pair et d’un soldat tout aussi doué avait pour mission de mener leur cheval à la mêlée et si possible à la victoire (4). La seconde explication, d’ordre métaphysique, est à mettre en relation avec ce que Jacques Breyer, grand spécialiste de l’ordre du Temple, a appelé « le principe d’incarnation par greffe », où le corps de l’Initié, symboliquement ici, correspond au cheval ; l’âme et l’esprit conduisant la monture, étant à mettre en relation avec le premier cavalier et le second cavalier, la «greffe», étant susceptible à terme d’apporter la dimension transmutatoire à l’adepte en puissance (5).

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Mais pour l’heure, revenons à Vaour et à son étymologie (V/R). Effectivement, dans la langue primitive de cette région de l’Occitanie et d’ailleurs, ce que d’aucuns ont appelé le langage Celto-sémite, il y a bien permutation des lettres V et B, c’est connu. Ce qui autorise à l’appellation Baor ou Vaor. Mais allons plus loin car ce vocable met en évidence, le principe de Lumière divine contenu dans Aor, par l’intermédaire du Beith, la Porte et/ou de la troisième lettre du Tétragramme divin, Vav (6), l’Union et tout nous porte à croire que cette commanderie est bien en relation avec une énergie de ce type, principielle, céleste et immanente, qui se trouve associée, pour être complète, au principe de Chaleur, Agni (7), dieu du feu dans la Mythologie védique, gardien de l’âtre, régent de la faculté de la parole à s’exprimer pleinement. Serions-nous alors, dans un lieu privilégié où souffle le Verbe ? Assurément, nous le pensons.

Encore un mot pour être précis et relevons une étude du Professeur Bernard Sergent sur les langues indo-européennes et sur le mot Var ou Vaour (V/R) puisqu’en kabbale nous pouvons conserver prioritairement les consonnes :

« Curieusement, c’est par un retour fréquent à l’indo-iranien (sanscrit) que des étymologies ont pu être fournies à des toponymies. Un exemple frappant ces phénomènes est situé en France : le nom du Var, du latin Varus, ne s’explique que par le sanscrit (8). »

Or, à suivre, dans son étude sur les Templiers du Var, Bernard Falque de Bezaure nous révèle que le mot Var (V/R) désigne deux traditions : la première antique, remontant à la dernière glaciation de Wurm, désignant une caverne bouchée par les boues et roches de cette période dénommée Terra Amata, (selon JP Clébert, dans sa Provence antique). Une tradition perso-mède et palestinienne, c’est la tradition des Avesta, (Av-Estin), dans le sens de transmission directe de la Connaissance par Dieu. Inspiré par Sara-Thus-Tra (le Disque Solaire), le sage Yma construit au fond d’une caverne, un Var, destiné à abriter les archives de la Connaissance Primordiale pour l’homme de Cro-Magnon (Sapiens Sapiens) et les espèces animales qui subiront des mutations suite à une série de cycles glaciaires, de déluges de boues, de fontes de glaciers. C’est cette tradition qu’apporteront aux Indes les Cantabres et les Ariens (Ibero-Scythes). Origine des mots Ergastule et Agartha désignant le Var.

La seconde explication concerne une tradition mythologique selon laquelle le mot Var a donné son nom au grand Dieu le Père, Abha ; Var-Una de la tradition sanscrite et liguro-étrusque. C’est aussi la tradition de la constellation du Sanglier dans la mythologie celtique. Le mot Var-Una désignant en sanscrit Yahvé, l’Esprit éternel étherique indéfinissable et souligne également le mot « Ruah » le souffle divin, qui donnera dans le Var (département) l’étymologie de la commanderie des Templiers du Ruou, selon le professeur Charles Rostaing, cité par Bernard Falque de Bezaure (9).

Rajoutons pour conclure, que pour Myriam Philibert, docteur en préhistoire, le mot Var désigne « un refuge qui sauva l’homme du déluge », et indiquons pour mémoire, que dans le blason de Vaour figure une hure de sanglier. Or le Blason n’est-il pas, comme nous l’indique Gérard de Nerval dans Angélique, en 1854, « la clef de l’histoire » ?
(à suivre)

Thierry E Garnier – La « Lettre de Thot », avril 2004.

Nos remerciements vont à Maryse et Guy Petitimbert, du « Relais Templier » de Vaour pour la communication de plusieurs éléments concernant la partie historique de ce dossier.

En illustration : photographie du fameux « chandelier à 7 branches » dans le parc du Relais des Templiers de Vaour (© Arcadia). Carte postale de la commanderie de Vaour, avant 1910, on peut encore y voir la Tour des Templiers avant son éboulement.

(1) Albi et ses Environs, par Avo Vidal.

(2) Sur l’aspect historique de la commanderie de Vaour, voir l’article précédent sur le sujet ; on peut également s’intéresser au Numéro Histoire & Patrimoine No 5, sur les Templiers, voir pour la Commanderie de Vaour, page 92.

(3) Cette citation est extraite de «Penne d’Albigeois à travers l’histoire » publié par Pierre et Jean Malrieu, en 1969.

(4) Rajoutons que les chevaux de combat des Templiers étaient particulièrement vigoureux, il s’agissait vraisemblablement de croisement de bêtes de trait puissantes et d’étalons de monture. Ces chevaux étaient élevés et dressés en la commanderie de Richerenches dans la Drôme, et partaient pour la Terre Sainte dans des bateaux spécialement affrétés, des ports de Marseille ou d’Aigues Mortes, en particulier.

(5) Sur l’œuvre de Jacques Breyer, voir notamment, Arcanes Solaires et Terre Oméga ainsi que l’article de Michel Crozet dans la Revue Arcadia de juillet 2002. Par ailleurs, rappelons que Jacques Breyer est en 1958, un des fondateurs de la GLNF Opéra, scission de la GLNF.

(6) Notons que la lettre hébraïque Vav, comme le principe védique Agni, tous deux reliés ici, indiquent communément la direction du Sud-Est.

(7) Ignis en latin. Sur le principe sacré, AOR AGNI, voir les recherches du Hiéron de Paray le Monial et celles de Paul Le Cour.
Sur le Hiéron de Paray le Monial, voir le bel ouvrage de Félix de Rosnay, récemment republié aux éditions Arma Artis.

(8) Qu’est le sanscrit ? Selon de nombreux linguistes, « c’est une langue sacerdotale d’origine pré-indo-européenne et … pré-sémite. » – Les Langues du Monde, Naissance du langage, Octobre, 1997.

(9) Bernard Falque de Bezaure – Sur les traces des Templiers du Var et des Alpes Maritimes, PV ed. 2000.