Une info parfaitement symbolique, connue des spécialistes, et qui demande à être commentée… Ce mois-ci dans la LDT, un article consacré à la bêtise humaine et à la capacité que peut avoir l’homo sapiens sapiens (bis), à scier la branche de l’arbre sur laquelle il est assis – et de laquelle il est soi-disant issue ?

Arcadia

Un gigantesque amas de plastique menace le Pacifique

Soulevée récemment par Daisy Dumas dans la revue L’Écologiste, l’affaire est en passe de devenir une menace majeure pour l’écosystème marin pacifique. Le North Pacific Gyre (en français, enroulement du Pacifique Nord) est un gigantesque tourbillon océanique résultant de l’addition de plusieurs courants marins du Pacifique Nord. S’étendant de l’équateur au 50ème parallèle, sur une surface d’environ 34 millions de km2, cette vaste aire océanique est aujourd’hui le théâtre d’un sinistre phénomène.

Le mouvement circulaire des courants dans cette zone a en effet entraîné la formation d’une immense « île » de détritus plastiques ; la plus grande masse de déchets jamais observée au monde. Cet amas détritique, baptisé Great Pacific Garbage Patch ou GPGP, qui serait selon certains grand comme deux fois la France, résulte de l’accumulation de l’ensemble des déchets plastiques déversés constamment dans le Pacifique, sur les côtes (70 à 80 %) ou depuis les bateaux de pêche industrielle, et transportés jusque là par le jeu des courants.

Les travaux du Capitaine Charles Moore, océanologue et fondateur de la Fondation pour la Recherche Marine Algalita, ont de quoi faire peur… Selon lui, le GPGP s’accroît « à un rythme exponentiel » depuis les années 1950, et ses conséquences pour l’écosystème pélagique sont catastrophiques. Les détritus plastiques, dégradés en petits morceaux sous l’effet du rayonnement solaire, sont confondus par de nombreux animaux avec des aliments, et obstruent leurs conduits respiratoires et digestifs. Les observations sont éloquantes chez de nombreux poissons, tortues, ou encore oiseaux. On pense notamment à l’Albatros de Laysan (Diomedea immutabilis, voir ci-dessous), espèce extrêmement vulnérable, chez qui on a dénombré jusqu’ici 100 000 décès dus au plastique.

Mais il y a pire. Les morceaux de plastique flottants sont photodégradés à des échelles encore plus petites, jusqu’à atteindre le niveau microscopique. Les polymères de plastique alors formés se confondent avec le zooplancton, base des chaînes trophiques marines. Puis ils sont consommés par les poissons, dont de nombreux cétacés, causant ainsi de graves intoxications. Le capitaine Moore a d’ailleurs dénombré dans certains endroits du GPGP un ratio de plastique par rapport au plancton de 6 pour 1.

De plus, il faut souligner que le plastique contient bien souvent de nombreux composés chimiques extrêmement toxiques qui, une fois ingérés par les méduses et les salpes, se retrouvent eux aussi dans les chaînes alimentaires qui mènent aux poissons, et enfin aux Hommes…

Un phénomène d’une ampleur et aux conséquences particulièrement inquiétantes pour le futur des océans de la planète. Car si, en effet, le GPGP est la plus vaste masse de déchets marins observée dans le monde, on a déjà décrit des cas similaires localement dans divers endroits du globe…

Comme nous le dit Daisy Dumas dans son article de L’Écologiste, « si nous ne faisons rien, deux tendances vont s’accentuer ». Dans un premier temps, la prolifération du « plancton plastique » va s’accroître, et ainsi mener à la disparition de nombreuses espèces, creusant encore plus les pertes de biodiversité. Dans un second temps, les gros déchets plastiques vont finir par couler (à hauteur de 70% selon l’ONU) au fond des océans pour former un gigantesque cimetière toxique…

La nécessité d’une prise de responsabilités de la part des acteurs du milieu marin, des pouvoirs publics, des consommateurs, devient aujourd’hui indéniable.

Pour en savoir plus :

North Pacific Gyre sur le Wikipédia anglophone

Rapport du Capitaine Charles Moore, publié par le PNUE

Site de la Fondation Algalita