Récemment, à l’occasion de nos recherches nostradamologiques, nous avons eu l’occasion de nous plonger dans la littérature alchimique médiévale et nous y avons trouvé un écho singulier à nos réflexions méthodologiques et épistémologiques concernant la question, la quête astrologique.
Citons à titre d’exemple ce texte attribué à St Thomas d’Aquin (XIIIe siècle) extrait du Traité de la pierre philosophale (Ed. Chamuel,1898) :
« J’ai séparé les quatre éléments de plusieurs corps inférieurs de façon à les obtenir séparément, j’ai purifié (..)chacun de ces éléments l’un après l’autre par une opération secrète et ceci accompli je les ai conjoints ensemble et j’ai obtenu une chose admirable qui n’était soumise à aucun des éléments inférieurs »

Intuitivement, cela fait bien longtemps (une bonne trentaine d’années) que nous pensons qu’il faut « purifier », « décanter » le savoir ésotérique en général et astrologique en particulier (cf. nos Mathématiques Divinatoires, Paris, La Grande Conjonction, Guy Trédaniel, 1983, préface de Jean-Charles Pichon) avant de procéder à quelque combinatoire que ce soit. Or, beaucoup d’astrologues « combinent » les facteurs sans procéder à une « clarification » des symboles ou des notions, à une « dissolution » préalable à toute « coagulation » ( solve coagula). Le « dis » doit précéder le «con », si l’on s’en tient aux préfixes.

La matière sur laquelle l’astrologue doit travailler ce sont tous les textes rassemblés d’une part et de l’autre c’est le microcosme et le macrocosme. Et ce travail, ce « grand œuvre » sur ce qui est transmis par l’écrit ne saurait s’arrêter à ce que l’on appelle selon une formule quelque peu abusive, les « bases » car même les dites bases sont à nettoyer, à « laver », à purger, comme l’a récemment montré le Colloque « Cycles et Symboles » (repris sur teleprovidence.com). Bien plus, ce sont précisément ces « bases » qui sont un point de départ non pas pour une pratique mais pour une recherche, une quête, ce sont elles qui sont à revoir, dont les divers facteurs doivent être isolés avant d’être amalgamés. Dire que l’on s’en tient aux « bases » sur lesquels on ne « revient » pas n’est pas sérieux puisque ces bases sont le matériau que l’alchimie astrologique aura à dégrossir, à dégraisser. C’est d’ailleurs tout bénéfice pour les élèves qui auront ainsi – et garderont- la tête bien faite et pas seulement bien pleine car le matériau brut ne se prête guère à une bonne intelligibilité. Tout le travail que nous conduisons, jour après jour, dans ce Journal de bord d’un astrologue, consiste à « purifier » ces « bases » de toutes sortes d’ajouts, d’emprunts, ne serait-ce que parce que toute cyclicité implique un processus périodique de décantation.

Quant à la « transmutation », autre terme clef de l’alchimie, il signifie pour nous que chaque phase d’un cycle correspond à une évolution intérieure, qui fait que nous ne nous identifions plus avec la phase antérieure. L’idée de transmutation est parfaitement compatible avec celle de prévision, de changement, elle l’est beaucoup moins avec celle de thème natal. Les astrologues sont tout fiers de pouvoir offrir à leurs clients un document qui fait foi une fois pour toutes en place et lieu d’un « tirage » ponctuel comme au tarot. Mais pourquoi figer notre psychisme de la sorte, surtout si on le représente de façon aussi alambiquée ? Certes, le mot « alambic » renvoie au champ de l’astrologie mais il sert à purifier la matière, il est un moyen et non une fin en soi. C’’est ainsi qu’il est bien plus facile d’exposer un savoir bien décanté que de persuader des astrologues de renoncer à des savoirs mal maîtrisés et dont il faut montrer les failles, les incohérences. Mais une fois ce travail de « réduction » effectué, les choses sont simples. En revanche, quand ce travail n’a pas été correctement mené à bien, la complexité nous accompagne à chaque instant, tant au niveau du savoir que de la perception du monde, tant extérieur qu’intérieur.

L’idée de « conjonction » en alchimie ne fait sens qu’une fois la purification des éléments effectuée, opérée. Il en est de même pour le couple : il ne fait pas sens de s’unir à l’autre tant que l’on n’a pas évacué tous les facteurs parasitaires de nos représentations.

Il serait donc sage d’œuvrer avec des notions simples, autonomes, se suffisant à elles –mêmes avant de tenter de les relier entre elles. Ne mettons pas la charrue devant les bœufs ! Le problème des astrologues est qu’ils mettent d’entrée de jeu en exergue le thème natal. Certes, l’on peut supposer que l’astrologue va s’efforcer de décanter le –thème, d’en extraire la quintessence, la substantifique moelle mais il ne le fera le plus souvent que par un processus qui se jouera dans le cadre même de la consultation laquelle peut être assimilée à une opération alchimique. En fait, le plus à plaindre sera l’élève en astrologie qui n’est ni un chercheur véritable qui avec le temps « creuse », ‘approfondit » un savoir – en général, cet élève va assez vite plafonner comme on le voit dans bien des réunions astrologiques, ni un client qui sera « capté » par le praticien au prisme d’une dynamique particulière. Ces élèves et anciens élèves sont situés dans une sorte de « purgatoire », ils sont sous la coupe d’une astrologie qui ne parvient pas à se transcender, ni par le haut par le biais de la réflexion, ni par le bas, par la magie de la consultation. Ils croient dur comme fer que ces « bases » qu’ils ont acquises se suffisent à elles-mêmes et qu’il suffit de les acquérir comme on se procurerait un outil, mot très à la mode quand on parle d’astrologie mais qui induit en erreur car précisément, cet outil est à conquérir, à explorer et celui qui s’en contente sous sa forme « basique » ne sera ni un bon praticien, ni un bon chercheur. Il ne sera que le « gardien » d’un savoir dont il n’a pas la clef.

Jacques HALBRONN