En 1977, notre ami Guy Tarade écrivait de façon prophétique dans un livre intitulé « LES DOSSIERS NOIRS DE LA POLLUTION », publié chez Robert Laffont, un chapitre sur les forages en haute mer… dans le golf du Mexique… (ça ne s’invente pas et ça se relit avec grande attention et surtout beaucoup d’amertume…). Guy Tarade écrivait: « …Nous vivons une crise aux fondements si profonds qu’elle va jusqu’à détourner la science de sa mission désintéressée, pour en faire l’instrument néfaste du « Kapital », comme l’aurait écrit Karl Marx. Cependant dans la lutte pour la survie de notre espèce et de la planète nous devons faire abstraction des orientations politiques et regarder bien en face les différents dangers qui menacent la future génération. C’est ainsi qu’actuellement, les techniciens du pétrole s’affrontent aux océanographes pour exploiter au maximum les fonds marins. Les spécialistes de l’environnement marin voient d’un mauvais œil les forages en pleine mer. Tout accident survenant à une plate-forme d’exploitation pouvant tourner à la catastrophe. Les compagnies pétrolières n’ignorent pas que les travaux qu’elles dirigent, relèvent de l’aventure et que les risques courus menacent à chaque instant de les clouer au pilori. L’accident est toujours possible et le bond prodigieux de l’exploitation sous-marine ces dernières années ne suffit pas à effacer le spectre de la pollution. » FORAGE  » OFF-SHORE  » = DANGER ? De nombreuses îles artificielles adaptées au forage en haute mer ont été victimes d’accident et ont sombré. Cette constatation ne souffre aucun démenti. Dans une première phase, c’est à dire au moment de la prospection et de la reconnaissance du sous-sol sous-marin, les recherches ne présentent aucun danger. Les relevés aériens et macrosismiques sont sûrs. Les pollutions au moment des forages d’exploration sont très limitées. Techniquement, jusqu’à 600 m de profondeur, la sécurité est absolue. On peut cependant méconnaître les possibilités d’éruption. En une vingtaine d’années, sur 20 000 puits forés, on a enregistré une douzaine d’accidents graves ayant causé des problèmes de sécurité aux pétroliers ; Tous les ans, 1000 000 tonnes
d’hydrocarbures sont déversées dans les mers par l’exploitation pétrolière. Ce chiffre paraît énorme à première vue, il est cependant faible par rapport à la pollution naturelle qui atteint 600 000 tonnes. En Californie, dans le détroit de Santa-Barbara, depuis des siècles on signale des « fuites » qui atteignent 2 600 tonnes par an. L’embargo sur le pétrole décidé par les pays producteurs et la montée sans cesse renouvelée des prix du baril, orchestré par l’O.P.E.P., ont stimulé l’imagination des spécialistes des sondages  » Off-Shore « . Ces derniers connaissent maintenant un regain d’activité énorme. Jusqu’en 1968, les experts prétendaient qu’il n’existait pas de pétrole sous-marin en dehors du plateau continental; Cet été là, le navire américain de sondages scientifiques  » Glomar-Challenger  » leur apporta un cinglant démenti, en trouvant dans le Golfe du Mexique, à 3850 m de profondeur, des indices d’hydrocarbures. Actuellement, la première génération des engins de forages en mer est en train de disparaître pour laisser la place à des techniques beaucoup plus élaborées. Les spécialistes du pétrole savent forer par 800 mètres de fond : par contre ils ne peuvent exploiter leur découverte par plus de 180 mètres d’eau. Avant 1980, des progrès foudroyants seront accomplis dans l’exploitation « Off-Shore. » Des plates-formes de forage et d’exploitation avec ou sans stockage conçues pour les conditions nautiques les plus sévères et répondant aux spécifications des organismes de classification et d’assurances internationaux, commencent déjà à sortir des chantiers. Ces plates-formes de seconde génération s’implantent dans les zones maritimes de grandes profondeurs grâce à des  » risers « . Les  » risers  » sont des tubes prolongateurs qui relient les plates-formes au
sous-sol marin. Ces gros tubes d’acier mesurent environ 50 cm de diamètre et pèsent à l’air libre 375 kilos au mètre. C’est à l’intérieur de ces  » risers « que passe l’outil de forage. Dès que l’on dépasse la profondeur de 700 mètres, un poids de 300 tonnes pèse sur l’île artificielle. On travaille actuellement à mettre au point des  » risers  » dotés de flotteurs capables de soulager l’effort à la traction. Le rêve de tous les prospecteurs est d’opérer directement sur les fonds marins. Du rêve à la réalité, il y a un grand pas à franchir, et les usines sous-marines,
actives par 1 000 ou 2 000 mètres en dessous de la surface des océans n’est pas pour demain. La mise en exploitation des gisements sous-marins des gisements sous-marins par des profondeurs d’eau sans cesse croissantes a suscité, elle aussi, des innovations techniques. Merveilles de l’imagination et de la créativité humaine, les futures plates-formes de forage et d’exploitation colporteront des réservoirs géants, flottants, d’un poids d’environ 20 000 tonnes, où les pétroliers viendront se gaver
d’or noir. Les plates-formes et réservoirs de béton, innovation de la technique française qui atteignent des poids variant entre 200 000 et 550 000 tonnes aujourd’hui, sembleront alors des jouets d’enfants.


Nous devons souhaiter que ces colosses n’aient pas des pieds d’argile. Des accident survenant à des têtes de puits, ou à des conduites de collecte, par des profondeurs de deux à trois kilomètres ne pourraient pas être réparables immédiatement, et pendant de longs jours ou même des mois, le pétrole et les gaz jailliraient vers la surface de l’eau. Les îles flottantes artificielles sont fiables, mais également vulnérables. Leur
destin est lié à celui des lieux où elles sont ancrées. Les séismes sous-marins existent et sont nombreux. La destruction d’un forage en haute mer, engendrée par une secousse sismique, aurait des conséquences incalculables… (…).


Un texte de >Guy Tarade] publié par [Guy Tarade et Christophe Villa-Mélé, sur le Site Internet : Les Archives du Savoir Perdu © Editions Robert Laffont, 1977, Guy Tarade « Les Dossiers noirs de la Pollution ».