Je ne suis pas chanceux: j’arrive de chez le médecin – ma visite annuelle (comme les fleurs) -, et il me dit:  » Vous êtes en parfaite santé. Vous devriez vivre encore 20 ans ». Il y un mois, j’ai vu en rêve toutes mes réincarnations. J’ai décidé que c’était ma dernière.

RÉINCARNATION 1

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Je ne suis pas bête: avant de me réincarner, j’ai attendu que le singe fasse un peu de chemin. Moi, vivre dans un arbre et fouiller la tête des autres pour leur trouver des poux, ce n’est pas mon genre. Et pour les guenons… Passons!
Mais le CDR, ( Le Club des Réincarnations) m’a contacté par télépathie, dans un grand bureau tout illuminé, pour me dire que je devais plonger. Aller sur Terre.

Et que serais-je? Plébéien. Tu auras des terres.

Comme Rome s’agrandit, de plus en plus de soldats sont nécessaires aux conquêtes. Les non-patriciens appartiennent à la même curie que leurs patrons. En ce temps, l’armée est organisée sur la base des curies, de sorte que les individus dépendants de familles doivent se battre. Néanmoins, quand ils sont délivrés de leur dépendance, ils quittent la curie à laquelle appartient leur patron. Ils ne sont alors plus obligés de se battre, mais ils perdent tout statut politique ou économique.

J’ai vécu 39 ans, et lors d’un combat, j’ai été transpercé par une épée dans le dos. Le Romain s’est retourné, et il m’a dit: « Tu as couché avec ma femme». J’avais du sang plein la bouche. Je hoquetais, je souriais. « Elle valait pas un coup d’épée ».

RÉINCARNATION 2

2-52.jpg Je voulais à tout prix me réincarner, car je lambinais dans le bonheur depuis des siècles terriens, mais désirant une Terre paradisiaque, l’Éden offert par « Dieu ».

Que veux-tu vraiment? me demanda le « sage » à peine visible dans son enrobage de lumière.

Travailler !

« Alors, tu iras au « Moyen-Âge », construire les plus beaux monuments du monde : les cathédrales.

Ouah! J’étais fébrile. Je descendis donc sur Terre, et 15 ans plus tard, je devins constructeur de cathédrale. Pas de syndicats, pas de salauds. J’étais fier des monuments que je bâtissais, jusqu’au jour où j’appris que l’argent de ces énormes et célestes beautés provenait de l’argent des pauvres. Devant mes doutes, j’ai décidé de me promener dans les rues avec une pancarte sur laquelle j’avais inscrit: « Sur les clochers pendent des pauvres ». Eux, pas trop instruits, ne comprenaient rien. Le lendemain, je changeai de pancarte :  » Ces terres arables vous appartiennent ». C’était le printemps, les fleurs et les chants poussaient dans la ville. J’eus 13 disciples qui me suivirent, dont un traître payé par les dirigeants religieux: Samba Baigne Ladîme. Mais Samba Baigne Ladîme était un individu appartenant à la Congrégation des Intervenants Avertisseurs (C.I.A).

Étant donné qu’il travaillait pour arrondir ses fins de mois comme bourreau, il m’envoya au bûcher.

Avant de faire flamber la montagne de bois sec, il me murmura à l’oreille : « Tu as couché avec ma femme ». Je lui crachai au visage de ce qu’il me restait de salive et lui répondit :  » Je brûle de te dire que c’est vrai ».

RÉINCARNATION 3

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En passant devant le comité de sélection céleste, je leur demandai de me conduire cette fois vers le réel Paradis qu’avait conçu « Dieu ».
Afrique, Circa 1784.

J’étais aux anges : j’avais des terres, je chassais la gazelle, et je possédais six femmes. Je crus que c’était le paradis. Comme dirait Johnny Hallyday en voyant ses impôts: « Merde ». Je vis apparaître ce qu’on nommait alors les Navires Négriers. En provenance d’un Nouveau Monde : le cordon ombilical du 21e siècle: Les US-SA. Je fus déclaré débile mental par la couleur de ma peau. Aujourd’hui, en voyant la politique étasunienne, je compris ce que voulaient dire ces gens intelligents.

Je finis dans une plantation de coton. J’étais beau comme Denzel Washington , et la maîtresse fit de moi son esclave. Pendant que le maître roux, comme dans roux de fortune, se prélassait avec la petite noire de 12 ans.
Il me condamna pour vol de nourriture… Mais avant qu’il me flingue d’un coup de mousquet, j’ai eu le temps de lui dire, en vers, et contre tous, un vieux poème que j’avais écrit au Moyen-Âge :

« Mignonne! Allons voir si la bonne était bonne…  »

Plouc! Encore ce tunnel…

RÉINCARNATION 4

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« Z’avez pas quelque chose de mieux ? »

« Oui, tu seras riche, et tu tiendras à garder ta richesse. Plus tard, ta descendance sera bénie par ceux-là mêmes qui firent de toi un esclave,jadis. Et un noir dirigera ce pays.

Je me suis tellement bidonné ! J’en avais mal au ventre. Mais le Club de Rome me ramena à la réalité: « Tu n’es pas encore réincarné, tu n’as pas de ventre ». Je n’étais pas encore au monde que j’étais plissé de rires.

Je descendis, devint riche, en Allemagne, et pas chanceux, je tombai sur un vieux réincarné qui me dit: »Tu as couché avec ma femme ».

« C’était il y a des siècles… » . Et puis, qui te dit que Hitler a déjà couché avec Eva Braun ? »

Gazé!

RÉINCARNATION 5

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« Z’avez pas un paradis, là où il y a des fleurs, des oiseaux, la paix, et rien qu’une seule femme ?…

« Le Canada. C’est un pays tout neuf, et après deux guerres, il n’y en aura plus d’autres ».

On me montra une photo du paysage.

Époustouflé! Je fus…

Je descendis vers la fin de la dernière guerre mondiale et fût élevé dans un petit village. J’avais décidé, cette fois, pour ne pas avoir d’ennuis de jouer « profil bas ». Pas de cathédrale, pas d’église, et aucune foi. Tout alla bien jusqu’au jour où les politiciens se mirent à coucher avec les hommes d’affaires.
C’était un pays où tout le monde se disait bonjour, un pays sauvage aux accents bizarres gardés des vieux langages de France. Ça me rappelait le Moyen-Âge, mais sans le bourreau. Je me mis à construire des organigrammes. Je fus félicité. Nous eûmes de nombreuses partouzes. Mais un soir d’hiver, à la veille de Noël, je couchai avec la femme du patron.
Craignant de retourner au bureau quelques jours plus tard, je fus reçu par le patron.

« Vous avez couché avec ma femme ? »

« Oui, Monsieur! Et sur le photocopieur… J’ai même pris une photo…

Il rigolait en n’en savoir que rire !

Ah! Ah! Ah!

« Que comptez-vous en faire ? »

« Rien, Monsieur » . Mais ça m’a donné une idée pour le développement de votre compagnie…

« Ah ! »

« Un logo, Monsieur ». La représentation idéale du monde dans lequel nous vivons… Je sais que vous avez beaucoup de contrats avec l’État, alors j’ai un nouveau slogan à vous proposer. Sans jouer au complotiste, mais avec une approche moderne et aiguisée, je lancerais ce nouveau slogan afin d’étendre sur toute la planète – peu importe avec qui ou quoi vous couchez -, ….

« Et ce slogan ? »…

« Prenez les devants en sachant que tout se passe derrière. »

Il sortit le champagne.

***

Au bout de six mois, la compagnie fit fortune en investissant dans les mines antipersonnel, le condom, les crèmes à dérider, et dans un seul et unique aliment: Le hamburger.

On avait simplifié le monde en une tranche d’animal enfermé entre deux rondelles de pain le moins cher possible, gras, épicé, salé.

Je compris alors que de nombreux humains étaient morts pour avoir couché avec la femme ou l’homme de l’autre. Mais, en ce 21e siècle, pour avoir une descendance richissime, il fallait coucher avec « le pays de l’autre », les « compagnies de l’autre », manger mono et tuer stéréo ou en 6 canaux.

Je quittai ce monde pour cause de « guerres perpétuelles »….

* * *

Gaëtan Pelletier © – Novembre 2013 // Chroniques de Mars © No 13.

Remerciements chaleureux à Gaëtan Pelletier pour son autorisation de reproduction.


à découvrir sur le site de G. Pelletier //

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