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Dans le précédent numéro des Chroniques de Mars, nous recevions Michel Granger pour un étonnant article sur le chronoviseur.

Cette fois-ci, l’histoire qu’il nous conte est bien plus remuante puisque qu’elle concerne des cercueils qui ont la bougeotte, et se déroule sous les tropiques.
La Barbade est une île de 430 km2 (34 x 23) qui fait partie des Petites Antilles (Îles du Vent) ; la plus à l’Est, elle se situe au large entre la mer des Caraïbes et l’Océan Atlantique ; réputée pour ses magnifiques plages, malgré (ou à cause de) son climat tropical, elle s’est ouverte au tourisme depuis son accession à l’indépendance il y a 40 ans…

A noter que le site de Michel Granger vient de s’enrichir de sept nouveaux texte de fiction…

Michel MOUTET

Les cercueils baladeurs de la Barbade

Bien avant la fin de la colonisation britannique, entre 1812 et 1820, dans la paroisse Christ Church (l’île en comporte 11), la plus au Sud, survint une étrange histoire de cercueils turbulents.

Dans le cimetière paroissial, il y avait un caveau appartenant à une famille nommée Chase résidant dans l’île ; la crypte de 4 mètres sur 2 contenait jusque-là trois cercueils (déposés l’un en 1808, l’autre en juillet 1812) qui n’avaient jamais montré la moindre velléité à ne pas respecter l’immobilité qui s’impose à ce genre de récipient à sépulture.

Le 9 août 1812, la chambre funéraire fut ouverte pour y introduire la dépouille mortelle de l’Honorable T. Chase, riche planteur local. Or, les porteurs noirs constatent avec surprise que les deux cercueils initiaux sont déplacés dont un dans l’angle opposé de leur place initiale, mis « tête en bas ». On pense à une négligence de leurs collègues un mois plus tôt !

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Le temps passe : en septembre 1816, on doit rouvrir la crypte pour y déposer le petit cercueil d’un enfant de la famille qui venait de décéder ; malgré la remise en place 4 ans plus tôt, les cercueils sont trouvés en un grand désordre. Dont celui le plus récemment entreposé qui, gainé de plomb, a nécessité pas moins de huit porteurs.

Du coup, on commence à s’inquiéter et un grand soin est apporté au « rescellage » de la porte d’entrée qui se trouve en bas de quelques marches.
Deux mois plus tard, une nouvelle ouverture du caveau pour y recevoir un nouveau corps, assassiné cette fois, débouche sur une surprise du même type, touchant à la grande perturbation de la position des cercueils déjà entreposés. Dès lors, on va commencer à chercher ce qui peut provoquer ces mouvements de cercueils en une telle chambre close digne du meilleur livre policier. Et, en particulier, on note soigneusement la disposition des différents cercueils, ceux des enfants mis par-dessus.

Le 17 juillet 1819, le cercueil en bois d’une femme est introduit et le désordre récurrent a attiré les curieux, notamment le gouverneur de la Barbade, Lord Combermere, qui visite en personne la crypte et en sonde les parois. Avant une soigneuse fermeture et après remise en place des cercueils (6 suivant schéma avant ci-dessous), du sable est répandu autour pour recueillir des traces éventuelles.
Huit mois s’écoulent. Le 18 avril 1820, la crypte est rouverte, non pas pour y introduire un défunt mais suite à du bruit qui a été entendu une nuit provenant de l’intérieur : en présence du gouverneur, un « ahurissant état de confusion » (schéma après ci-dessus) est constaté, sable vierge de toute empreinte.

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Un cercueil est même contre la porte en rendant l’accès difficile. Du coup décision est prise par la famille de ne pas en endurer davantage et le caveau est vidé et les cercueils enterrés ailleurs. De la sorte est mis un terme à l’épisode des cercueils baladeurs de la Barbade.

Le premier récit de cette affaire paraît en 1833 ; les causes naturelles avancées sont au nombre de trois : tremblements de terre, gaz s’échappant des cercueils et montée des eaux.

Des causes raisonnables car on a aussi envisagé l’intervention d’animaux entrés dans la crypte, d’une opération de vaudou (?), de poltergeist et les effets de la foudre ! Inutile de dire qu’un mini-séisme capable de dégâts localisés de cette nature, sans répercussion ailleurs, serait une grande première (et dernière) ; et une répétition ainsi au même endroit « une insulte à l’intelligence ».

vaudou-3.jpg Pareil pour la montée des eaux demeurée inaperçue ; il paraît qu’un cercueil gainé de plomb peut flotter !
Cette thèse a repris de la vigueur suite à la visite sur place d’un parapsychologue américain en 1975 quand il y a découverts un tuyau traversant le caveau. Il opte plutôt pour une vengeance contre la famille en une époque où l’esclavage sévissait encore ; un acte de vandalisme ou de pilleurs de tombes.

La théorie des effluves capables, par effet de réaction de gaz à travers les orifices d’un cercueil, de le déplacer a retenu l’attention de Sir Arthur Conan Doyle dont l’esprit était curieux de tout sans convaincre personne d’autres.

Faute de mieux – causes naturelles ou humaines (l’intervention humaine semble éliminée par une équipe de visiteurs canadiens de l’O.C.I.P.E (2) en 1996 alors que la crypte vide est toujours en l’état et qualifiée d’« attraction touristique mineure ») –, on s’est caché derrière le paravent du surnaturel (où là selon un slogan à la mode tout est possible) ou bien alors sous le manteau de la rumeur dont certaines peuvent se colporter sans le moindre fondement réel (histoire inventée).

A vous de choisir.

Michel GRANGER

© Michel Granger / Michel Moutet, 2014, pour les Chroniques de Mars, numéro 14.


NOTES //

1/ Selon The Vault at Barbados, in Rupert T. Gould, Oddities, A Book of Unexplained Facts, University Books, New York, 1965.

2/ Organisation de Compilation d’Information sur les Phénomènes Etranges, fondateur Christan Robert Page ; qui existait encore en 2007. Depuis ?

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