Comme Chartres, le Mont Saint-Michel illustre à merveille cette grande loi, d’ailleurs bien connue de tous les initiés : la continuité — quelles que puissent être les oppositions extérieures — entre deux grandes formes ésotériques se superposant l’une l’autre, la nouvelle obtenant prédominance naturelle sur le plan religieux exotérique.

En effet, ce n’est nullement par hasard si une abbaye fut fondée en ce lieu ; et ce n’est pas non plus — comme une interprétation erronée serait trop portée à le croire — pour essayer naïvement de supprimer les racines mêmes d’une tradition antérieure. Si les formes religieuses exotériques changent ou s’affrontent, l’ésotérisme, lui, demeure toujours le même sous les formulations historiques successives ; l’idée de vouloir supprimer un ésotérisme antérieur n’ayant pas le moindre sens profond pour les initiés qu’étaient sans conteste les moines fondateurs de l’abbaye.

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Les sites du Mont Saint-Michel et de l’îlot voisin de Tombelaine étaient déjà des lieux sacrés bien avant l’établissement du Christianisme en Gaule. Pour l’initiation druidique, c’était certes l’un des hauts lieux les plus vénérés.

Il y a donc totale continuité entre les traditions celtique et christique. Sous la plus ancienne des cryptes chrétiennes de l’abbaye se trouve le sanctuaire des druides, toujours inviolé à ce jour. Mais les Celtes n’avaient pas du tout créé de toutes pièces leur exotérisme ; là aussi se pose donc la question d’un rattachement à une tradition plus ancienne encore. Au siècle dernier, le Hiéron de Paray-le-Monial, organe d’initiés catholiques, s’était efforcé de montrer la filiation traditionnelle, ininterrompue, reliant l’ésotérisme chrétien au druidisme et, par delà celui-ci, à l’Atlantide, cette source première des traditions occidentales. Il est à remarquer que les autorités religieuses utilisèrent une méthode indirecte, mais suprêmement efficace : l’étouffement systématique (1) ; aucune condamnation explicite ne fut émise, ce qui tend à prouver que cet ésotérisme se rattachait bel et bien au Cercle Intérieur de l’Eglise, dont des personnalités comme Charbonneau-Lassay firent sans nul doute partie ; et quelles que soient les actions coercitives possibles aux autorités religieuses exotériques, il y a quand même des limites qui ne peuvent jamais être franchies. Tout ésotérisme traditionnel demeure, même si ses promoteurs souffrent, inattaquable dans ses principes — et pour cause.

D’après une curieuse tradition, le sanctuaire druidique souterrain du Mont Saint-Michel aurait été édifié autour d’une source provenant en fait d’un puits artésien dont la nappe d’eau — circulant à une très grande profondeur — aurait également été captée en d’autres hauts lieux traditionnels, certains très éloignés de l’Occident — par exemple, Lhassa, capitale du Thibet. On retrouve ici les notions ayant trait au monde souterrain et à l’Agartha, sur lesquelles René Guénon a fait, dans son ouvrage « Le Roi du Monde », toute la lumière, pour autant qu’il soit possible de le tenter d’une manière demeurant accessible à la conscience ordinaire. Quant à la figure même de Saint Michel Archange, il y aurait bien des choses à dire sur son sens ésotérique. D’une part, il s’agit d’un symbole concret de la victoire des puissances lumineuses sur les forces négatives — victoire qui ne pourrait d’ailleurs consister en l’annihilation de ces dernières (l’Archange ne tue pas le dragon ; il le maîtrise), ce qui serait impossible, les forces d’involution jouant leur rôle nécessaire dans le déroulement des cycles cosmiques. Mais, d’autre part, Saint Michel sera aussi — cet autre sens concret étant dérivé du premier — la très puissante entité tout spécialement protectrice des pays de tradition celtique, et de la Gaule en particulier.

Selon la tradition, il existerait une société secrète extrêmement puissante — et dans laquelle il est pratiquement impossible de pénétrer — qui, tout au long des siècles, aurait été une porte de Synarchie blanche (au sens magique de cet adjectif), veillant à toujours préserver notre pays, suprêmement puissante par delà les régimes changeants et en dépit des convulsions humaines les plus terribles. C’est cette société, dépositaire de tout l’héritage secret traditionnel celtique et chrétien, qui aurait, notamment, été à l’origine de la mission de Jeanne d’Arc. Et là encore, ce n’est pas le soi-disant « hasard » qui est en cause : elle porterait, entre autres noms significatifs, celui d’Ordre de Saint-Michel, car son patron n’est autre que le puissant Protecteur céleste de la Gaule. L’un des deux trônes du souverain secret — et chef de l’Ordre — de la France (2) serait caché dans un temple souterrain de l’îlot de Tombelaine, ce frère jumeau du Mont Saint-Michel.

Signalons qu’il existe un autre Mont Saint-Michel (Saint Michael’s Mount) à Penzance, de l’autre côté de la Manche. Comme par « hasard », il se trouve également situé dans une vieille région celtique : la Cornouaille anglaise.

L’Archange Saint Michel se révèle bien comme une figure essentielle de l’ésotérisme chrétien rattaché au druidisme ; les sites placés sous son patronage direct étant tous des lieux magiques et préservés, échappant à la submersion des terres.


Serge HUTIN
(un article oublié) – février 2011.


Les Chroniques de Mars

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(1) Ce n’est nullement « hasard » si les publications du Hiéron n’ont jamais été rééditées, et demeurent tellement inaccessibles. Nous nous trouvons devant la tactique du silence feutré !

(2) L’autre se trouverait dans la région de Fontainebleau.