« Depuis le début de sa jeunesse, il a craint Dieu et observé Ses Commandements. Doux de cœur, prévenant et généreux à l’extrême, il semble que les Pouvoirs Invisibles choisirent cette nature douce, confiante et aimante, pour être l’instrument volontaire afin d’enseigner l’humanité. Il consacra toute son énergie à l’obéissance de la Voix de l’Intelligence Invisible ».


Normand Cleaveland, petit fils du témoin Ada Morley

Je voudrais profiter des « Chroniques de Mars » pour esquisser assez rapidement la destinée exceptionnelle d’un homme resté inconnu de la plupart des spiritualistes même des plus qualifiés.

Gérard Encausse dit Papus qui fut un proche de Monsieur Philippe de Lyon, eut un jour ces incroyables paroles concernant notre mystérieux personnage : « François Schlatter était un illuminé et nous dirons seulement pour ceux qui savent, que cet homme obscur par sa naissance et sa position sociale, était cependant un des onze qui ont passé par le soleil en 1855 ». Pouvions-nous nous contenter de ce préambule ? Assurément pas !

Né le 29 avril 1856 à Ebersheim dans le canton de Sélestat en Alsace, neuvième enfant d’une famille de tisserands, François est sourd et aveugle à l’âge d’un an. Il guérit de sa cécité et partiellement de sa surdité grâce à la foi de sa mère et celle-ci le consacre à Dieu, corps, âme et esprit. A l’âge de six ans, il tente l’école buissonnière et pendant une dizaine d’années un rêve prémonitoire ne cesse de hanter François ainsi qu’une de ses sœurs. Il apprend au fil des années qu’une mission toute particulière l’attend, liée au destin de l’humanité. En 1870, il n’a que 14 ans lorsque son père terrestre meurt. Il vient de commencer un apprentissage en cordonnerie. Au cours de cette même année la guerre franco-prusse éclate et le 13 avril 1871 sachant sa fin proche, sa mère lui fait d’ultimes recommandations. Par la suite, François tente de s’enrôler mais décide finalement d’émigrer en Amérique sans le sou. Un soir qu’il est à son petit commerce une voix lui souffle d’écrire à un ami souffrant de paralysie mais il s’y refuse. La voix se fait plus pressante et lui ordonne d’écrire à nouveau. Il s’exécute. Quelques temps après, il apprend que cet ami est mystérieusement guéri. La voix qu’il reconnaît comme étant le Père de la Création, lui signale qu’il est temps pour lui de réparer les âmes et lui demande de vendre sa boutique. Le 15 mars 1893, il a une vision de la Très Sainte Trinité et va se mettre à accomplir une longue marche de 730 jours entre 1893 et 1895 afin d’aider l’humanité souffrante. Il accomplit environ 9000 kilomètres sans avoir ni vêtements, ni nourriture, ni maison. Pendant ce cheminement long et solitaire, où il traverse le Kansas, le Missouri, l’Arkansas, le Texas, le Nouveau-Mexique, l’Arizona, la Californie et le Colorado, la plupart du temps pieds nus et tête nue, s’installe un dialogue constant entre le Père et lui. Rien ne lui est épargné : la faim, la soif, le froid, la maladie, le dénuement, le désert, la tentation, la prison, la bêtise humaine … Une seule chose lui est demandée et pas n’importe laquelle ; suivre les commandements du Père sans se rebeller. « Combien ont mené une vie de bâton de chaise ? S’ils ne l’avaient pas menée, quelle aurait été pour moi la nécessité de marcher, d’errer sur ce pèlerinage fatigant, de subir cette agonie indescriptible ? Ce fut mon université et j’ai appris la leçon car je ne soucie que de justice implacable ».

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Après un jeûne itinérant de 40 jours devant témoins dans la région d’Albuquerque au Nouveau Mexique, Monsieur Fox, l’échevin de la ville de Denver le fait venir pour être guéri par lui et lui donne une chambre dans son cottage. Ce sont ensuite quelques guérisons devant la maison puis la ville de Denver n’en croit plus ses yeux. En 58 jours, une moyenne quotidiennement de 5000 personnes effectue le siège devant la maison de Monsieur Fox. Il y vient des gens de partout dans le pays et même de l’étranger. Une barrière en bois est construite par les cheminots pour canaliser la foule. Les hôtels regorgent de monde. Des trains entiers d’handicapés sont affrétés pour recevoir la guérison de celui que l’on nomme « The Healer », « le Guérisseur ». « le plus grand thaumaturge du siècle », « le marcheur de Dieu », le saint de Denver », « le prophète aux 100 000 guérisons », « le nouveau Messie » surtout que François ressemble légèrement au Christ. Beaucoup lui trouveront en tous cas une tête d’apôtre. Pour prodiguer ses soins, François n’a pas de technique particulière. Il prend une main, lève les yeux au ciel et marmonne une prière. Il guérit sur un simple commandement du Père, à distance ou en touchant les malades, à l’aide d’un mouchoir, d’un gant ou parfois d’une lettre ou bien il se laisse toucher. A telle personne il dit que cela durera trois jours, à telle autre, il dit qu’il faudra revenir… Un simple regard lui suffit pour connaître jusqu’au fond la pauvre créature qui se tient devant lui et il en est toujours ému. Au fil des jours, Denver se fait le théâtre d’un spectacle inouï, d’une authentique cour des miracles. François est le récepteur étrange d’une force difficile à cataloguer, d’une force supra-humaine qu’il irradie et le miracle a lieu là où la science s’est déclarée impuissante. François Schlatter est l’instrument de la Puissance du Ciel et rien ne lui résiste ; les aveugles recouvrent la vue (« J. C. Stein qui est aveugle depuis douze ans, vient de Chicago. Après son « moment » avec Schlatter qui a lieu vers midi, il dit : « Ce soir-là, j’étais dans le couloir de l’hôtel Narragansett quand j’ai commencé à voir la lumière bien que tout était brumeux et sombre. Avant que la soirée ne s’achève, je fus capable de distinguer un livre et plus tard de recouvrer la vue ».), les sourds ont l’ouïe restaurée (« M. Stewart, vivant à Highlands dans la rue Jasper était sourd depuis vingt ans. Il a été complètement guéri aussitôt, par le Saint de Denver ». ), les paralysés réutilisent leurs membres sur le champ (Juliana Sedillo n’avait pas pu remuer les bras depuis seize ans. Après traitement, elle a pu travailler à nouveau] dans les champs ». ), les estropiés se mettent à marcher avec aisance (Le général Test déclare avoir vu un cul-de-jatte marcher sous les yeux du thaumaturge ».), les rhumatisants retrouvent une agilité inaccoutumée (J. A. Morley de Havelock dans le Nebraska avait un rhumatisme au pied. Il a décrit comment il a pu ensuite remuer son pied et ses orteils ». ), les cancéreux s’avèrent pétillants de vie (Monsieur Rollington d’Evergreen, qui a un cancer de la bouche, a été traité par François Schlatter récemment et il affirme avoir vu un trou dans le ciel lorsque François lui a pris les mains. [Ce trou] était la description graphique de son cancer. Les bandages lui couvraient le visage et étaient attachés à la calotte crânienne La chair était dévorée depuis la bouche… »), les tuméreux ont l’immense bonheur de se sentir sains (Mme H. – C. Holmes de Havelock du Nébraska, souffrait de tumeurs au-dessous des yeux. Elle a posé le gant que lui a donné Schlatter et ses tumeurs ont disparu ». ) … : « Mon Père remplace aussi facilement une paire de poumons malades qu’il nous guérit du rhumatisme ou de l’enrouement »… « Je n’ai pas de moyen matériels. Père possède tous les moyens et la Puissance et par ma foi, je dois prouver au monde qu’Il peut accomplir toutes choses. Il l’a promis à Ses Enfants »… « Vous me demandez ce qu’est ma force. Elle n’est rien. C’est la Volonté de Père qui fait tout ».

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Jamais François ne prend le moindre sou car il ne peut monnayer son véritable don de Dieu qu’est la guérison. « L’amour de l’argent est la racine de tout mal »… » L’argent, que voulez-vous que j’en fasse ? Mon Père ne me donne-t-il pas tout ce dont j’ai besoin… Il n’y a pas de plus grande richesse que la foi or je crois à mon Père de toute ma foi ardente ». Certains journalistes ne restent que sur un seul cas pour l’étudier à fond, pour s’assurer que François n’est ni un charlatan, ni imposteur. D’autres seront chamboulés jusqu’à la fin de leurs jours témoin le journaliste Joseph Emerson Smith qui dira : « La foi remue les montagnes. Après quarante six ans, je suis toujours incapable d’expliquer autrement les guérisons dont j’ai été témoin ». Mais, François a aussi ses détracteurs dans certains membres des nombreuses sectes anabaptistes ou parmi les médecins. Puis, un jour, écœuré par un trafic de reliques autour de sa personne, il laissera ce petit mot laconique sur son oreiller le 13 novembre 1895 : « Monsieur Fox, ma mission est terminée. Père me rappelle. Je vous salue ». On n’entendra plus parler du guérisseur après sa disparition, enfin à ce qu’il semble mais là, je renvoie à mon ouvrage (1) de 560 pages pour le lecteur désireux d’en savoir plus sur la singulière personnalité du Guérisseur. C’est en tous cas, le moment que choisiront une demi-douzaine d’hommes pour essayer se faire passer pour lui, en se laissant pousser les cheveux, en essayant de l’imiter en tous points. Cela ne s’improvise pas ! Ils seront eux intéressés par l’appât du gain, par les trompettes de la renommée.

Mystique abusé, charlatan, illuminé, Rose-Croix, juif errant, hippy de Dieu, authentique apôtre ou fils de Dieu en action, qui fut vraiment François Schlatter ? Le mystère demeure…

Dans la voie mystique, chaque individu est à la fois acteur et spectateur de sa propre vie. Depuis l’incarnation jusqu’au trépas, chaque être humain est toujours seul même si son champ d’expérimentation dépend toujours de l’autre, de son milieu. Même, ensemble, nous demeurons seuls et c’est dans cette solitude que nous apprenons à forger notre âme, que nous sommes nus devant l’Absolu, que nous regardons en face notre conscience. Schlatter, en dépit d’une vie spectaculaire et extraordinaire pour le commun des mortels tout en restant extérieurement le plus banal des hommes, n’échappe pas à la règle : Marche, prison, prière… Il est le solitaire de Dieu par excellence. Tant pis si certains le prennent pour un fou ou un mythomane, le croient abusé ou atteint de monomanie. Tant mieux si d’autres évoquent à son sujet une sorte d’ivresse ou de délire mystique, de folie de Dieu. Certains y verront un cas classique de psychiatrie car il peut sembler qu’il se prend pour Jésus, surtout qu’il entend des voix.

Mais, comment a-t-on connaissance de l’invisible ? Comment y-a-t-on accès ? D’où vient ce fameux déclic ? Tout peut sembler subjectif. Qui peut vraiment dire où commence la pathologie et où s’arrête le mysticisme ? Avec François, nous voyageons toujours aux confins de la science et de l’intuition, de la raison et du mystère. Il brouille et perturbe nos sacrosaintes opinions, nos idées reçues.

Qui peut nier que cette longue marche, cette immense traversée du désert au physique (le désert Mojave, la prison d’Hot Springs…) comme au figuré (résister au Tentateur) ne l’ont pas façonné, ne l’ont pas transformé complètement, que ce parcours fut sa grande épreuve, son chemin de croix. Bien sûr, nous ne pourrons certainement pas l’imiter mais cela a valeur de modèle, d’exemple, de symbole pour nous. Chacun d’entre nous, ami lecteur, doit accomplir sa propre traversée du désert, rencontrer et vaincre sa propre part d’ombre pour témoigner de la lumière. Chacun doit transformer sa materia prima, l’affiner pour en extraire ces quelques grammes d’or le plus christique.

3.jpg Cette voix intérieure qui surgit au milieu de la cacophonie du monde, il faut savoir la reconnaître et lui obéir. Cette voix du Père ne peut s’entendre que dans la solitude, dans le beau soliloque de l’âme. François fut grand, fut exceptionnel dans le contact privilégié et quasi constant qu’il eut avec La Source de toute vie. Comment et Pourquoi eut-il ce privilège ? Cela demeure un mystère. Etats multiples de l’être, mémoires passées ou futures, incarnations antérieures, qui peut dire ? On ne lui connut pas de femme, de fiancée. Il resta chaste et sobre. « Père, me marierai-je ? – « Oui, me répondit-Il, mais tu ne peux pas choisir ton épouse. L’humanité est ton épouse mais tu ne l’a pas choisie ». Il ne fit pas d’excès, jeûna : « La nourriture ne m’est pas nécessaire pendant de nombreux jours. Qu’importe ce que vous avez, je le mangerai avec reconnaissance mais je n’ai pas le choix ». Il ne se querella pas avec son prochain s’efforçant d’aimer et de semer l’amour dans les cœurs et les consciences, cela avec une foi simple. En suivant ce précepte évangélique, cette surnaturelle règle d’or : « Fais à autrui ce que tu aimerais qu’il te fut fait », il lui fut offert non pour lui mais pour ses frères et sœurs, une force spéciale, un « magnétisme » d’un genre nouveau ignoré des adeptes et non perceptible par les voyants. La Charité en fut et en est toujours l’élixir nouveau.

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Nul doute que François nous donne jusqu’au jour d’aujourd’hui une belle leçon de courage, du baume au cœur pour notre vie quotidienne. Le fait de lâcher tout ce qui le retient dans les basses contingences de ce monde, pas en rejetant le monde mais en rejetant ce qui pollue, empoisonne et emprisonne ce monde a de quoi nous faire méditer ! Dans notre siècle matérialiste où les gens s’accrochent à tellement de chimères, où de nombreux spécialistes sont unanimes pour parler d’une crise des valeurs, des points de repère, où le grand public est gavé de sensationnel sans jamais être rassasié, où l’égoïsme et l’argent sont des poisons qui nous rongent, François Schlatter nous ramène aux valeurs les plus simples et par conséquent les plus essentielles. Sa vie sont destin, ses actes, ses paroles ne sont pas banals et représentent un mystère, le genre de mystère qui peut vous hanter toute la vie par sa simplicité, la foi du cordonnier qu’il fait naître et par une remise en question permanente. Croyant ou incroyant, nous avons le choix de rester aveugle, sourd, à ces questions qui nous amènent, nous poussent à nous regarder en face, cela, dans la solitude de notre être, dans notre propre athanor dont le Verbe Divin est l’Alchimiste et l’Esprit Saint, le Feu secret et sacré.
Apprenons à reconnaître et à écouter dans le silence, la solitude et la prière cette voix intérieure et divine. Apprenons à nous connaître pour connaître les autres et l’univers qui nous entoure.

Croyons, espérons et aimons… et tout le reste nous sera alors donné par surcroit !

Gil ALONSO-MIER – © Février 2011 – Les Chroniques de Mars & Revue Magdala No2.

François Schlatter L’homme aux 100 000 guérisons.

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(1) « François Schlatter, l’homme aux 100 000 guérisons » et « L’Evangile de François Schlatter » aux Editions Arqa, et sur le Site Internet : http://francois-schlatter.org avec une interview de l’auteur. A noter que le chanteur Thomas Hine a fait une chanson hommage qui s’intitule « Hand of the Harper » que l’on peut entendre sur http://www.americansongspace.com/thomashine.

(2) Photo inédite de F. Schlatter retrouvée par Gil Alonso-Mier – (tirage gélatine).

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THESAVRVS // Agape – Apatheia – Bibliothèque de Nag Hammadi – Cagliostro – CHRIST – Christianisme – Clément d’Alexandrie – Divinité – Église intérieure – Evagre le Pontique – François Schlatter – Gnose – Gnosis – Hypostase – Kabbale – La Nuée sur le Sanctuaire – Les Envoyés du Ciel – Loisieux – Mandéisme – Manichéisme – Néoplatonisme – Origène – Philippe de Lyon – Praktiké – Salut de l’âme – Symbolique Martiniste//

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