Tôt le matin du 1er novembre 1954, une paysanne du nom de Rosa Lotti Dainelli traverse un bosquet proche de la localité de Cennina (Province d’Arezzo, Italie du Centre) où elle se rend pour assister à la messe en ce jour de fête religieuse de la Toussaint.

Soudain, elle y fait la rencontre de deux « petits hommes » d’un mètre de haut, étrangement vêtus. Parlant un langage incompréhensible proche du chinois, ils lui arrachent tout en souriant un bouquet de fleurs et un bas de soie noir qu’elle porte dans sa main (elle se serait déchaussée pour traverser les champs afin de ne pas couvrir de boue ses souliers du dimanche). Un peu plus loin, elle aperçoit un curieux appareil en forme de deux cônes inversés (un “fuseau”) de deux mètres de haut et d’un mètre de large, porte grande ouverte. Rosa s’enfuit — sans avoir cependant éprouvé de sentiment de frayeur — puis se retourne une centaine de mètres plus loin pour se rendre compte que toute la scène a disparu ! Elle relatera plus tard les faits aux carabiniers. A signaler que d’autres témoignages ultérieurs sembleront renforcer ses déclarations.

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Illustration de Walter Molino pour La Domenica del Corriere du 14 novembre 1954 – coll. Agence martienne ©.

Mais le plus intéressant n’est pas là. Rappelons les deux modèles interprétatifs proposés le plus souvent en ufologie : a) le témoin croise sur sa route de véritables Martiens et b) le témoin a totalement inventé une histoire (ici par exemple pour justifier un retard à l’église). Dans les deux cas, le récit fait appel à des degrés divers et de manière plus ou moins complexe à un imaginaire scientifique et technique. S’agissant d’une observation d’un phénomène exotique par exemple, le témoin serait amené à traduire dans notre culture une expérience vécue, de fait totalement étrangère, en puisant dans les matériaux culturels à sa disposition.

L’image qui illustre ce récit, où différentes thématiques transparaissent, est à cet égard des plus éloquente : si les lutins facétieux dans leur combinaison à cape et leur casque d’aviateur belle époque peuvent éventuellement appartenir au registre des Martiens (de petite taille mais non macrocéphales), la forme de l’engin fait par contre référence aux fusées (de celles qui furent expérimentées depuis la seconde guerre mondiale et qui représentent également l’une des thématiques de l’âge d’or de la science-fiction).

Ainsi, cette image comporte des motifs non complètement soucoupisés — issus notamment, d’une part de la science-fiction et du roman populaire, d’autre part de l’aéronautique et de l’astronautique naissante —, tels qu’ils furent en tout cas perçus par cette paysanne du centre de l’Italie, avant qu’elle ne les réintègre à son récit. Rares sont les représentations iconographiques de ce type, totalement hybrides, où l’on perçoit des processus imaginaires à ce point en cours d’élaboration.

Cette affaire de soucoupe non encore cristallisée, apparaît comme totalement paradoxale : au même moment en effet, la grande vague européenne d’ovnis en forme de soucoupes volantes de l’automne 1954 bât son plein, notamment en France puis en Italie…


Yves BOSSON
pour les Chroniques de Mars

PHOTOS – Agence Martienne ©