On ne comprend pas l’évolution de l’astrologie du XXe siècle si l’on ne considère pas un besoin de corriger les erreurs et les lacunes du passé. Cela vaut pour les planètes découvertes depuis 1781, mais aussi pour le zodiaque tropique. Il faut être à la page.

I – L’intégration des « nouvelles » planètes.

Au lendemain de la découverte d’Uranus/Herschell (1781), certains adversaires anglophones de l’astrologie lui reprochèrent de ne pas tenir compte des récentes découvertes astronomiques. Que cela ne tienne, les astrologues se mirent en peine d’intégrer Uranus, puis Neptune, puis Pluton, dans le dispositif des domiciles planétaires (Uranus en verseau, Neptune en poissons, Pluton en scorpion). Les nouveaux étudiants en astrologie finiraient par oublier que ces planètes n’avaient pas toujours figuré dans la littérature astrologique et les placeraient dans le thème au même titre que le Soleil ou la Lune… Ainsi, ne pourrait-on (plus) reprocher à l’Astrologie d’avoir si longtemps ignoré ces astres lointains et de s’être construite sur des bases « incomplètes ». Il fallut évidemment trouver des significations qui ne fassent pas double emploi avec les planètes du Septénaire. Cela se fit avec plus ou moins de bonheur. Un des cas les plus contestables fut certainement celui d’Uranus auquel fut octroyé ce qui concernait le changement comme s’il fallait une planète pour cela alors que le passage d’un signe à l’autre, la formation de nouveaux aspects pouvait fort bien faire l’affaire…

II – Le passage au zodiaque tropique.

Un autre argument anti-astrologique concernait la précession des équinoxes. Cela porta un coup fatal au statut des constellations en astrologie. On ne pouvait plus décemment continuer à se référer à un système décalé par rapport aux saisons.

En effet, l’astrologie avait besoin du référentiel saisonnier pour constituer sa légitimité, c’est du moins ce que nombre d’astrologues, d’André Barbault à Jean-Pierre Nicola estimaient. Si le signe du bélier trouvait sa signification du fait qu’il débutait à l’équinoxe de printemps (équilibre jour/nuit), on ne pouvait plus le raccorder à une constellation du Bélier qui ne cessait d’en dévier davantage d’une année sur l’autre (ayanamsa). On pouvait bien se délester des constellations, maillon faible du dispositif. Les éphémérides fournissaient d’ailleurs les positions planétaires sur une base équinoxiale/solsticiale. Là encore, l’on profilait l’Astrologie pour qu’on ne puisse plus/pas lui adresser certains reproches. Quitte encore une fois à désavouer les anciens astrologues.

Cela n’empêcherait pas étrangement les astrologues « modernes » de revendiquer une « tradition » astrologique millénaire en oubliant délibérément de préciser que ses fondements scientifiques étaient quelque peu différents. On laissait pudiquement de côté la question des saisons inversées d’un hémisphère à l’autre.

III – Le syndrome de la modernité.

Jean-Pierre Nicola publia en 1977 « Pour une astrologie moderne » (Ed. Seuil). L’idée était de constituer une astrologie en phase avec le savoir scientifique de notre temps, de rebâtir en quelque sorte l’astrologie à nouveaux frais.
Selon nous, une telle approche est marquée par un contresens épistémologique. L’astrologie est ce qu’elle est. Cela n’a aucun intérêt de la « moderniser ». Si elle existe, c’est du fait de son ancienneté. Il vaut mieux une « erreur » fondatrice qu’une vérité nouvellement arrivée. L’Humanité n’a cessé de se développer sur la base de connaissances rétrospectivement insuffisantes. Et après ? Va-t-on reconstruire le château de Versailles sous prétexte qu’il n’aurait pas recouru à des moyens, à des matériaux « modernes » ?

Nos astrologues se trompent de modèle à suivre. Il ne s’agit pas de raisonner comme un astronome qui n’a que faire des anciennes représentations si ce n’est pour baptiser les nouveaux astres, au petit bonheur la chance. Il s’agit de respecter l’objet astrologique qui nous est légué et de comprendre à quelles fins il fut établi. Il faut avoir l’humilité de reconnaître que si nous sommes capables de nos jours d’inventer de nouvelles machines, nous ne sommes pas encore capables de nous réinventer en tant qu’espèce humaine. Cela viendra peut être un jour et nos astrologues auront eu raison trop tôt rêvant d’une astrologie tenant compte des nouvelles données. Pour l’heure, c’est utopique !
L’astrologie appartient à la technoculture atavique de l’Humanité. Elle fait probablement partie de son ADN et l’ADN se fiche pas mal d’ajustement à une quelconque modernité. Une chose est de s’adapter à un nouvel environnement, une autre de se reprogrammer en profondeur.

Nous pensons que ces tentatives de reprogrammation de l’Astrologie – et donc de l’Humanité – sont parfaitement vaines. Une astrologie est née il y a de nombreux millénaires sur la base de besoins et de connaissances qui étaient ce qu’ils étaient. Nous en avons hérité et à nous de l’assumer sans basculer dans l’hypercritique face à une astrologie qui ne serait pas de son temps. Cette astrologie moderne est marquée par le complexe d’Icare.

L’astrologie n’a pas à être révisée quant à ses fondements scientifiques, elle n’est pas du domaine de la Science mais nous devons l’appréhender scientifiquement et sans anachronisme. En revanche, elle doit se débarrasser de tout ce qu’on a plaqué sur elle depuis trois cents ans, évacuer les nouvelles planètes et revenir à l’antique zodiaque sidéral qui continue bizarrement à marquer ceux qui nous parlent de l’Ere du Verseau, du fait précisément de la précession des équinoxes.

IV – Le principe de transposition et d’analogie.

L’astrologie est née de la découverte scientifique du différentiel planète/étoile, ce qui ouvrait de fascinantes perspectives pour la caste chargée de fixer les règles du calendrier, autour duquel s’organisait la vie sociale. On pouvait désormais se fixer des échéances plus distantes en remplaçant la lune par son octave supérieure, Saturne, doté des mêmes chiffres mais progressant beaucoup plus lentement puisque l’on passait ainsi de 28 jours à 28 ans. C’est ce qui conféra à cet astre une place centrale dans le système planétaire. On peut parler ici de raisonnement par analogie, par transposition d’un système sur une autre échelle. On passait ainsi de la semaine de 7 jours à la « semaine » de 7 ans mais en calquant de très près la structure servant de modèle.
Mais cette analogie n’existait évidemment que dans l’esprit des hommes tout comme d’ailleurs le cycle soli-lunaire ne revêt aucune valeur universelle et ne fait même pas sens au regard du système solaire mais uniquement du point de vue terrestre. En quoi un habitant d’une autre planète, s’il en existait sous une forme ou sous une autre, pourrait-il s’intéresser aux rapports soleil-lune et donc à la division en douze car il est évident que si ce rapport était marqué par le 9, on aurait divisé signes et maisons en 9 secteurs et non en 12. Faut-il pour autant maintenant que nous le savons éliminer la Lune de l’Astrologie Moderne ? Étrangement, peu d’astrologues « scientifiques » l’ont proposé, à notre connaissance et Jean-Pierre Nicola n’a pas évincé la Lune dans son système RET.

Il ne faudrait pas conclure en effet que si cette analogie était fondée sur un savoir incomplet ou inexact que cela disqualifie ipso facto toute construction fondée sur le dit savoir. Cette analogie peut tout à fait se révéler approximative, ce n’est pas la lettre qui compte mais l’esprit, c’est ce qu’on en a fait. Dès lors, apprendre par la suite qu’il y a précession des équinoxes est fort peu d’importance au regard de la pensée astrologique car de toute façon toute démarche analogique est fondée sur une fiction à laquelle on accorde arbitrairement de l’importance, pour les besoins de la cause.

Prenons le cas du système soli-lunaire de base qui préexistait à la fondation de cette astrologie planétaire dont il est ici question. Ce système reposait sur deux principes : d’une part les rencontres mensuelles entre les deux luminaires, fait connu de longue date, bien avant qu’une astronomie beaucoup plus avancée n’ait découvert l’existence de quelques planètes parmi des centaines d’étoiles, de l’autre, la nécessité de fixer un commencement au cycle annuel en optant pour le repérage par rapport aux saisons. Il s’agissait là d’un facteur choisi arbitrairement et qui ne s’ajustait d’ailleurs qu’approximativement sur le cycle soli-lunaire puisque ne correspondant quasi jamais avec une des conjonctions. Autrement dit, une solution bancale déjà au départ. Or, c’est ce même dispositif qui fut transposé à l’échelle planétaro-stellaire mais répétons-le, on est dans une démarche analogique purement fictive. Selon ce principe, Saturne aurait un parcours qui serait rythmé et découpé par son « passage », tout aussi fictif, sur certaines étoiles ou certains astérismes. C’est ainsi que furent établies les constellations zodiacales et le point de départ du cycle planétaro-stellaire en rapport avec telle constellation correspondant par projection avec tel axe saisonnier terrestre. On voit à quel point une telle procédure est géocentrique et anthropocentrique. Quelle importance dès lors qu’il y ait ou non précession des équinoxes, ce qui compte est d’avoir opéré des choix, fixé des repères et surtout de s’y tenir des siècles durant. Car si l’on se met à corriger des erreurs au niveau des activités humaines, on n’a pas fini, à commencer par l’histoire tourmentée des langues, chacune utilisant tel son et pas tel autre…

Ajoutons que le fait de nommer une planète selon une divinité n’entraîne pas forcément que l’on confère à cet astre les qualités de la dite divinité pas plus d’ailleurs que le fait d’attribuer telle région céleste à tel ou tel « signe ». Il s’agit simplement d’une convention pour que l’on s’y retrouve. Ni plus ni moins. Et cela devrait valoir, en principe, aussi bien pour les astrologues que pour les astronomes. Quand on étudie la genèse du symbolisme zodiacal, on s’aperçoit que cela dérive des activités sociales terrestres tout au long de l’année, sur 12 mois. Mais, comme on l’a dit, il existe un autre découpage, celui des saisons, en 4 et qui ne coïncide pas exactement avec la division en 12. Cela explique probablement pourquoi le Zodiaque combine deux symbolismes, celui des 12 mois et celui des 4 saisons (en rapport avec les quatre figures constitutives du Sphinx, et que l’on retrouve dans l’imagerie du Tarot et dans celle des cathédrales pour ne pas parler des quatre évangélistes.), cela s’est maintenu avec les quatre étoiles fixes royales. Il semble en effet que le parcours de Saturne ait été balisé non pas tant par rapport aux 12 constellations mais par rapport à une division en 8, correspondant aux quatre constellations marquées par les axes d’équinoxe et de solstice et aux quatre constellations « centrales », comportant les étoiles fixes royales. Encore une fois, il ne faut pas y chercher une cohérence parfaite mais l’application d’un certain modèle lui-même déjà au départ compliqué sur un autre plan.

C’est pourquoi l’hypercriticisme de l’astrologie moderne nous semble assez décalé et contre-productif. Maintenant, que pour expliquer certains échecs prévisionnels, d’aucuns aient pensé que cela pouvait tenir à des données scientifiques insuffisantes, incomplètes, on peut le concevoir. Peut être ont-il même pu croire qu’avec les corrections entreprises, leur astrologie « marchait » mieux… Mais de nos jours, la problématique est inversée et l’on peut raisonnablement se demander si les aberrations prévisionnelles dues notamment au recours aux planètes transsaturniennes ne conduisent pas l’astrologie dans le mur. Pour notre part, nous considérons qu’il faut revenir à l’astrologie planétaro-stellaire des origines dont on s’est énormément éloigné depuis plus de 2 000 ans. C’est donc bien à une confrontation sur le terrain prévisionnel mondial entre ces deux « écoles » que nous assisterons au cours de la décennie qui s’ouvre.

>[Jacques Halbronn]