J’ai accompagné pour la première fois Monsieur Canseliet au cours de l’année 1980 sur les lieux qu’il fréquentait avec son maître pendant sa jeunesse. Je me souviens parfaitement de ces instants. D’une fidélité sans faille aux Amis d’Atlantis, Monsieur Canseliet avait à cœur de participer aux réunions du comité de rédaction de la revue qu’animait alors Jacques d’Arès.

Lorsque les circonstances lui permettaient de se rendre à Beauvais, il venait encore à Paris par le train. Toutefois, pour lui épargner la fatigue, quelques amis, dont moi-même, se rendaient à Savignies pour le transporter à Paris ou à Vincennes, au siège de l’association fondée par Paul Le Cour. Pour Monsieur Canseliet, c’était toujours un moment agréable.

Ce jour-là, comme les autres fois, nous avons parcouru de nouveau le trajet familier. Une bonne heure après le départ, nous traversions Beauvais, passant devant sa cathédrale inachevée pour prendre la petite route de La Chapelle aux Pots que Monsieur Canseliet prononçait en picard La Capelle aux Pots. Un quart d’heure plus tard, nous nous arrêtions devant la maison où nous étions attendus. Nous sommes repartis pour Vincennes.

Jacques d’Arès réunissait son équipe au premier étage de la maison du 30 rue de la Marseillaise, dans le salon à l’atmosphère particulièrement agréable et sereine. Je ne pouvais m’empêcher de penser à Paul Le Cour. A l’issue de la réunion, nous nous retrouvions autour du buffet préparé avec grand soin.

Le soir comme au petit-déjeuner, Monsieur Canseliet adorait s’entretenir à bâtons rompus de toutes sortes de sujets. Il y avait bien sûr ses souvenirs. C’est à cette époque qu’il avait entrepris de rédiger ses mémoires qu’il publiait dans une revue spécialisée, La Tourbe des Philosophes. Jean Laplace, alors installé à Grenoble en tant qu’imprimeur et éditeur avait pris l’initiative de fonder cette petite revue pour la céder ensuite à Bernard Renaud de la Faverie qui saura lui donner un rayonnement indiscutable. Dans ce contexte et indépendamment les uns des autres, trois personnes effectuaient des recherches sur Fulcanelli et son environnement. Il s’agissait de Jean Laplace, d’un correspondant suisse et moi-même.

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C’est ainsi que j’ai proposé à Monsieur Canseliet de revoir les lieux de sa jeunesse. Nous nous sommes rendus avenue Montaigne. Sis au numéro 11, l’hôtel particulier des de Lesseps avait survécu, au numéro 22, le pavillon mauresque, dont nous avions retrouvé une photographie à la commission du Vieux Paris, avait laissé la place à un immeuble moderne qui hébergeait le siège administratif de Rhône-Poulenc. J’y voyais comme un clin d’œil lorsque l’on sait que plusieurs personnages qui touchent de prêt à « l’opération Fulcanelli » étaient employés aux laboratoires Poulenc !

Nous avions laissé la voiture à l’entrée de la rue Jean Goujon pour aller à pied en direction de la place François 1er toute proche. Monsieur Canseliet poursuivait la conversation lorsqu’il aperçut la fontaine qui occupe le centre de la place. Son visage changea alors ainsi que le timbre de sa voix, comme s’il était ailleurs. Il déclara :

« Je suis déjà venu ici ; je me souviens de cet édicule, il y avait des calèches… »

Sur la place, je l’amenai devant un hôtel particulier dont les occupants étaient apparentés à la famille de Lesseps. Toujours concentré, Monsieur Canseliet finit par dire :

« Je suis entré ici, je m’en souviens… »

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Le lendemain, nous sommes repartis pour Savignies où nous avions rendez-vous pour le repas de midi que Madame Canseliet avait préparé. En chemin, nous sommes passés à Sarcelles pour voir le site de l’ancienne usine à gaz. La petite maison qui servait de logement de fonction à Monsieur Canseliet était toujours là. Nous avons passé l’après-midi dans la salle à manger. J’étais face au tableau bien connu de Julien Champagne représentant la Dame du grand œuvre. Madame Canseliet, naturellement, nous interrogeait sur notre petite expédition. C’était l’occasion pour Monsieur Canseliet de rappeler nombre d’anecdotes de l’époque. Alors que je lui donnais des précisions sur mes recherches, il fit cette remarque :

« Vous vous souvenez de ce que Fulcanelli a écrit sur le Chat Noir ;
eh bien, dans cet immeuble, c’était la même chose… »

>Gino SANDRI] – Les CHRONIQUES de MARS – 2011.

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En illustration // Photographies de Gino Sandri © Les Chroniques de Mars – [1] La première photo est prise devant le fameux troène dont parle Jean Laplace, place François 1er devant l’hôtel de Villegruy, alors propriété du baron Lacaze, apparenté à la famille de Lesseps. Le 22 de l’avenue Montaigne est juste derrière. [2] De droite à gauche, au 30 de la rue de la Marseillaise à Vincennes : Gino Sandri, Eugène Canseliet, Jacques d’Arès et des amis. [3] Site de l’ancienne usine à gaz de Sarcelles, où eut lieu la célèbre transmutation de 1922.

THESAVRVS // Adam – Adepte – Aigles – Alchimie – Alchimiste – Argyropée – Assation – Athanor – Chrysopée – Coupellation – Cyliani – Élixir- Élixir de longue vie – Eugène Canseliet – Philalèthe – Fulcanelli – Gnose – Grand Œuvre – Lavures – Macrocosme – Magnum Opus – Mercure – Microcosme – Nicolas Flamel – Œuvre au noir – Œuvre au blanc – Œuvre au rouge – Or – Panacée – Paracelse – Philosophie Hermétique – Pierre Philosophale – Poudre de projection – Régule – Rémore – Soufre – Sublimations – Table d’Emeraude – Teinture – Terre adamique – Transmutation – Unobtainium – Vitriol – voie de l’Antimoine – voie du Cinabre //