L’on n’a pas compris l’esprit, le génie de l’astrologie si l’on n’a saisi que tout tournait autour de la présence et de l’absence de lumière. Il y a d’ailleurs une astrologie de l’ombre et une astrologie de la lumière. Et la première, on peut le dire, fait de l’ombre à la seconde au point de l’éclipser. Car l’on peut bel et bien parler d’une éclipse de l’astrologie du jour du fait d’une astrologie de la nuit, ce qui correspond, au bout du compte, à la longue éclipse de l’astrologie depuis un certain nombre de siècles. Ce qui n’est pas sans faire songer à la Caverne de Platon.

En fait, ce n’est pas tant l’ombre qui fait problème que le refus de l’ombre, sa négation. Les hommes ont dépensé des trésors d’ingéniosité pour perpétuer la lumière, à commencer par le feu, censé perpétuer le soleil. Contrairement à ce qu’affirment les astrologues, le feu n’est pas l’Eté mais l’Hiver, n’est pas en rapport avec le jour mais avec la nuit.

La nuit, l’on peut trébucher sur des objets que l’on aurait immédiatement détectés en plein jour. Le monde se charge d’aspérités, d’obstacles, il faut redoubler d’attention, veiller à chaque détail, tel un aveugle se déplaçant dans une pièce. Tout se morcelle.

D’où une astrologie «nocturne » qui est celle du thème natal, dont la structure même est l’expression d’un tel morcellement[1], dont l’éclectisme même est lié à une difficulté à percevoir le monde comme étant d’une seule pièce. Seul le jour permet le panorama.

Etre dans l’ombre, c’est vivre dans l’incertitude à la fois du temps et de l’espace. C’est pourquoi, la question de l’avenir se pose, qui constitue une zone d’ombre, d’inconnu. L’astrologie nocturne s’interroge sur tout ce qui pourrait surprendre, ne pas se passer comme prévu.
Être malade, c’est quelque part, passer de la lumière à l’ombre, de la totalité du corps à une localisation du « mal ». D’où une astrologie qui cherche à situer les problèmes, en maison notamment. Où cela fait-il mal ? Où cela pourrait mal se passer ? Quand quelque chose va mal, on cherche un coupable, un « malfaiteur ». A contrario, l’astrologie de la lumière ne différencie même pas les gens entre eux. L’humanité lumineuse est faite d’êtres qui se sont « lavé », « purifié », ce qui les rapproche les uns des autres, alors que la saleté physique, psychique sépare, c’est Babel.

L’astrologie de lumière sait que lorsque la lumière baisse, il faut ralentir ses activités, se mettre en veilleuse. L’astrologie de l’ombre cherche toujours à imiter le monde solaire et vit la nuit sur un mode trépidant, étant plus royaliste que le roi. Cette astrologie n’assume pas la dualité fondamentale, de la présence et de l’absence. Au lieu de diviser la course des astres en deux temps, sur un mode binaire, elle la divise en douze (signes, maisons). En astrologie de l’ombre, il y a les bonnes et les mauvaises planètes, les bons et les mauvais aspects, c’est très manichéen. Mais au lieu d’opposer aspect et non aspect, contact et non contact, cette astrologie divise les facteurs astrologiques en deux camps. L’astrologie de lumière fait la part de ce qui n’est pas elle. L’astrologie de l’ombre se veut totale de peur de s’exclure elle-même.

L’astrologie de lumière ne cherche pas à expliquer le mal, la maladie, le malheur. Elle se contente de décrire le cours normal des choses et l’alternance des phases sur une base duelle (alter=l’autre), et se donne ainsi pour modèle. L’astrologie de l’ombre n’offre aucun modèle commun à tous, chacun est un cas particulier et on ne peut généraliser. C’est donc un monde traversé de frontières, de clivages, de cloisonnements, de compartiments, dont on voudrait que l’astrologie rendît compte. Il lui manque une vue d’ensemble. Elle ne prévoit d’ailleurs le plus souvent qu’à très court terme car la profusion même des facteurs qu’elle combine l’empêche d’en avoir le contrôle, d’ailleurs chaque facteur peut fort bien contredire/contrarier un autre facteur. L’astrologue de l’ombre vit, lui-même dans l’incertitude de son art.

>[Jacques Halbronn]

[1] Même dans le cas de l’astrologie holistique de Pierre Lasalle, où l’on relie les divers facteurs pour en faire des figures.