Quand nous jugeons que nous ne pouvons plus continuer « comme ça », que ce n’est plus supportable, qu’est-ce que nous incriminons ? Sont-ce les « faits » qui ne sont plus gérables ou sont-ce les gens qui ne sont plus « à la hauteur » ?

Le problème, c’est que les gens ne se remettent pas en question ou plutôt ne savent pas vraiment ce qui leur arrive et donc ils ne prennent pas le bon bouc émissaire. Il est vrai que l’on a tendance à aller voir là où il y a de la lumière, ce qui est un peu un cercle vicieux. On perçoit plus aisément le changement extérieur que le changement intérieur et l’on a tendance à mettre le changement intérieur sur le compte du changement extérieur. Ce sont les autres qui sont cause des problèmes que nous rencontrons et qui font que cela ne peut plus continuer ainsi.

Les astrologues ne se comportent d’ailleurs pas autrement quand ils mettent leurs mécomptes existentiels sur le dos des planètes mais ils sont plus proches de la vérité car en effet, c’est bien là qu’il faut aller chercher certaines causes de ce qui se passe sur terre. Mais ces planètes, elles sont, en quelque sorte, en nous.

Les astrologues ne sont pas parvenus à faire passer le message suivant, à savoir que l’astrologie nous parle des changements de tonus des hommes bien plus que de leur environnement et des systèmes, politiques, économiques et autres auxquels ils sont confrontés.

Si l’on considère la crise déclarée fin 2008, il existe, selon nous, deux lectures. Selon la première, les « choses » sont allées trop loin et c’est ce qui les rend insupportables, ce qui explique « logiquement » que l’on n’en « puisse plus ». Selon la seconde, nous subissons un fléchissement de notre tonus, de nos « biorythmes », ce qui nous conduit à ne plus être aussi vigilants, aussi adroits dans nos actions et donc les choses ne peuvent que se détériorer puisque nous ne les traitons pas avec la même attention que précédemment.

A entendre les astrologues, depuis deux ans, discourir sur la « crise », il semble bien qu’ils se placeraient plutôt dans la première lecture tout en disposant….des outils proches à la seconde, ce qui rend leur propos assez incohérent sinon inconsistant. C’est qu’en réalité, ils ne raisonnent pas en astrologues mais en journalistes et plus simplement comme l’homme de la rue. D’où toutes sortes de jugements d’astrologues sur les aberrations des systèmes en vigueur et qu’il serait urgent de réformer. Mais c’est bien là une fausse piste.

Non pas qu’il ne soit pas souhaitable de réformer les choses mais en fait de telles revendications sont souvent dictées par la jalousie et l’amertume de ceux qui supportent mal la domination des plus doués et qui sont tout contents quand ces «golden boys » se cassent la figure, tels des trapézistes ou des funambules s’écrasant sur le sol. C’est la faute au système !

Or, c’est là une vision malthusienne du fonctionnement de nos sociétés selon laquelle les ressources iraient en diminuant, ce qui impliquerait de ralentir le rythme et d’instaurer des garde-fous, des limites. Nous récusons, pour notre part, au nom même de l’astrologie, un tel jugement, une telle appréciation et c’est d’ailleurs la meilleure façon, nous semble-t-il, de mettre en évidence le fait astrologique.

Tant, en effet, que l’on se contentera d’utiliser l’astrologie pour expliquer pourquoi les systèmes font faillite, l’on fera fausse route. Les systèmes ne valent que ce que valent ceux qui les utilisent. C’est ainsi que nos systèmes politiques occidentaux sont d’une extrême complexité, du fait de nombre de paramètres qui viennent interférer et se combiner. S’il n’y a pas de leaders capables de les maîtriser sans pour autant les réduire ou les appauvrir, cela ne marche pas et l’on est donc tenter d’adopter des formules plus faciles à gérer. C’est un peu ce qui s’est passé lors du passage en 1958 de la quatrième à la cinquième « République », avec le changement de constitution que cela a impliqué. Il n’est pas certain que cela ait été la meilleure solution, un demi-siècle plus tard et notamment que cela ait fait ressortir et élire les meilleurs leaders. Mais au moins, quand la courbe biorythmique fléchit, l’on a une marge de sécurité.

Car toute la question est là : que faire quand les hommes- c’est-à-dire le s dirigeants, les responsables, n’ont plus l’aptitude à jongler avec une complexité extrême tant au niveau politique qu’économique, social, écologique etc? Comment fait-on alors ? Eh bien, de fait, il faut ralentir le rythme, c’est évident comme lorsque la nuit succède au jour, l’hiver à l’Eté. Mais les gens n’ont pas encore compris que ce sont des périodes à passer, à traverser et qu’après cela va reprendre de plus belle. C’est bien là le hic, c’est qu’il est des prophètes de malheur qui veulent profiter de cette baisse de régime pour enterrer carrément certains modes de fonctionnement et que l’astrologie, ce qui est un comble, est mise au service de certaines idéologies que l’on peut qualifier de gauche.

L’historien de l’astrologie et du prophétisme est bien placé pour savoir à quel point celle-ci a pu être instrumentée/instrumentalisée au services des causes les plus diverses, et notamment au XXe siècle, celles de l’anticapitalisme – voir les prévisions d’André Barbault dans les années soixante sur la réussite du communisme et plus récemment des astrologues épris de la cause écologique, c’est-à-dire des partis dénonçant une certaine surchauffe, dans tous les sens du terme. Que ne nous a-t-on pas encore sorti sur l’entrée de Pluton en capricorne, ce signe incarnant en quelque sorte les institutions, au regard des astrologues et donc menacé par Pluton, le justicier ? Or, fondamentalement, l’astrologie ne saurait avoir vocation à prôner le ralentissement et la simplification des systèmes, alors même qu’elle peut annoncer leur crise, ce qui n’est pas du tout la même chose car la crise d’un système est liée au fléchissement de l’activité astrologique, au sens (astro) biorythmique.

L’astrologie, précisément, parce qu’elle peut annoncer une crise ne va pas jeter le bébé avec l’eau du bain. D’autant que ce sont des crises nécessaires qui obéissent à une rythmicité, à une périodicité bien précise et qui ne durent pas indéfiniment. A distinguer des crises « uraniennes » qui sont dues à des accidents de parcours non prévus, non intégrés dans le programme comme le serait l’assassinat d’un leader..On retrouve d’ailleurs là l’idée de la confrontation entre deux astrologies, l’une saturnienne et l’autre uranienne, l’une cyclique, l’autre linéaire et s’articulant sur des configurations ponctuelles se succédant dans le désordre, la multiplicité/multiplication des cycles détruisant la cyclicité.

La philosophie de l’astrologie est fondamentalement saturnienne et non uranienne, on peut le regretter mais il en est ainsi. On peut aussi être anti-astrologue et voir à juste titre dans le système astrologique une aliénation technologique qui fait de l’homme un personnage à la Icare, qui alimente une ubris, une ivresse liée à une certaine forme de dopage. Il reste que l’Humanité depuis pas mal de millénaires doit ce qu’elle est devenue, ce qu’elle a accompli à ce système astrologique qui la porte et l’emporte vers une complexité infinie et qui peut donner le vertige. Le scandale, tout de même, c’est de voir tant d’astrologues trahir la cause de l’astrologie….au nom de l’astrologie ! Ils en sont bien punis car chaque fois qu’ils ont annoncé l’écroulement du capitalisme, du libéralisme, ils en ont été pour leurs frais en ce que leurs prévisions ont été démenties, même si, évidemment, comme on l’a dit, les systèmes en question connaissent des passages à vide. Je peux toujours annoncer que quelqu’un va se fatiguer et devoir se coucher. Cela se produira tôt ou tard mais la vie d’un homme ne consiste pas à dormir, il faut dormir pour vivre mais non vivre pour dormir, pour paraphraser l’Avare de Molière. Les prophétes de malheur n’ont raison que lorsque les hommes s’assoupissent ! Dans l’Apocalypse de Jean, on nous parle de ces moments d’absence qui laissent le champ libre à Satan.

Il semble bien que comme par le passé, il y ait une astrologie au service de chaque camp, une de gauche, une de droite, une marquée par la nuit où tout se ralentit et une marquée par le jour où tout se réveille. L’astrologue est un veilleur qui doit annoncer le lever du jour et la tombée de la nuit mais qui doit rester avant tout celui qui fait comprendre que la nuit est une parenthèse. La nuit ne saurait nous faire douter de l’Homme sous prétexte qu’il n’est plus en possession de tous ses moyens. Mais il semble bien que certains soient irrésistiblement attirés par la nuit et par le nivellement par le bas qu’elle génère. Tels des vampires, ces prophètes de malheur seront déconfits lorsque l’aube poindra à nouveau.

>[Jacques Halbronn]