Le Cheval, noble monture des chevaliers, des chefs et même des dieux, figure dans toutes les civilisations.

Poséidon, fils de Kronos, frère de Zeus, l’aurait fait jaillir du sol ; le char solaire d’Apollon est tiré par sept chevaux ; bouddha enfourche une monture blanche lorsqu’il quitte notre monde. Chez les Celtes, Epona en est la patronne. La jument du prophète Mahomet porte le nom de Boraq qui signifie l’éclair. Les carrosses de nos fées sont tirés par des chevaux souvent noirs car ils sont mystère et lumière incluse. Le cheval blanc, force créatrice, reflète la lumière apparente et donne son nom aux auberges qui ne sont pas seulement d’anciens relais de poste mais aussi de véritables athanors aux valeurs alchimiques. L’œuvre gravé d’Albrecht Dürer (1475-1528) illustre les thèmes apocalyptiques. Les chevaux de la place Saint-Marc à Venise, ceux ailés de Coysevox place de la Concorde à Paris et le cheval Bayart alimentent les exploits chevaleresques. Cette union du cavalier et de sa monture marque la fusion de l’intelligence et de l’instinct.

Ce coursier de la lumière, symbole de l’énergie, représente les parties volatiles de la matière du grand œuvre ; s’associant à l’air elles sont les forces vitales que nous devons maîtriser. Archétype de la vie et de la mort, la psychanalyse en fait le représentant du psychisme inconscient. Cet animal psychopompe par excellence, permet de traverser les différents états subtils des mondes intermédiaires ; peut-être est-ce la raison pour laquelle on trouve, comme pour les hommes, un élargissement de son trou occipital comme une sorte de trépanation. Est-ce pour ces raisons que le passeport compagnonnique souvent nommé « cheval », placé dans le pommeau de la canne pour être remis à la Cayenne, était brûlé à la mort du compagnon ?

Mais c’est sûrement en ce sens que le musée de préhistoire d’Ile-de-France a organisé en 2001 une exposition remarquable « Le Cheval » avec en sous-titre « symbole de pouvoirs dans l’Europe préhistorique » (1). Exposition et catalogue de 104 pages aux 100 illustrations mettent en valeur ces chevaux solaires venus du paléolithique. Aussi a-t-on de remarquables commentaires sur les sites les plus réputés dont Lascaux, Altamira, Niaux, la grotte du cheval à Arcy-sur-Cure, Chauvet, etc. Le cheval est particulièrement présent dans les rites chamaniques, celtiques, chinois. Mircea Eliade, non cité dans cet ouvrage, a commenté ces rites dans le Chamanisme (Payot ed. 1951, p 131) ; plus particulièrement celui du Cheval Bâton, bâton sculpté en forme de tête de cheval et servant aux voyages aériens des chamans. (2)

Cette exposition fait ressortir que le cheval a été l’animal le plus largement dessiné, que notre animal domestique, de trait, n’apparaît que vers 3 500 ans avant notre ère alors qu’autrefois, petit et ventru, il ne devait devenir une monture qu’à l’âge du fer. Il faut aussi signaler que le déplacement rapide de cet ami de l’homme a été amélioré vers le XIIe siècle ; grâce à ce nouvel attelage des charges plus importantes ont été transportées plus rapidement et ont fait baisser les prix de la construction. La roue et le char améliorent les services rendus par cet animal familier. Le catalogue mentionne p. 99 le cheval blanc dessiné à la craie sur la colline d’Uffington en Angleterre : mon ami Robert Charroux voulait m’entraîner sur ce site remontant à la fin de l’âge de bronze entre 1 400 et 600 av. J.C. afin de tirer des conclusions symboliques sur cette figure de 110 mètres de long. Si actuellement les services rendus par cet animal sont moindres, nous en conservons cependant la nostalgie en exprimant la puissance à partir du cheval-vapeur…

Jean-Pierre Bayard. – texte inédit / © Arcadia & K2M.

(1) On ne manquera pas de s’interroger à ce sujet sur la tombe découverte il y a quelques mois, prés de Clermont-Ferrand, où huit cavaliers gaulois et leurs montures avaient été enfouis, (date approximative ; 160 av. J.C. et 120 ap. J.C.) Cette première sépulture de ce type mise à jour, avait alors particulièrement troublé les archéologues, manquant de repères pour en déterminer toute la valeur critique. Or l’INRAP (Institut national de recherches en archéologie préventive) vient de mettre à jour non loin de ce premier site cinq autres tombes de chevaux, alignés sur le flanc droit, regard tourné vers le sud. Or rien, pour l’instant, au regard de ces découvertes exceptionnelles ne permet de présager de quelles formes de rites funéraires il s’agit ici. ( NdLR / Arcadia.)

(2) Voir également les ouvrages de Myriam Philibert ; – Les Rites préceltiques- (Rocher édition, 1997) et – Dictionnaire des symboles fondamentaux- ( Rocher édition, 2000 )