I – ICHTUS à L’ERE ATOMIQUE

« J’ai cru que le nuage en forme de champignon m’avait suivi jusqu’ici. »

Tsutomu Yamaguchi

Le japonais Tsutomu Yamaguchi, mort en janvier 2010, d’un cancer à l’estomac, à l’âge de 93 ans, n’aura pas connu, quelques mois plus tard, la tragédie du 11 mars 2011, le tremblement de terre au large du Japon, le Tsunami qui s’ensuivit et le drame de la centrale de Fukushima Daishi.

Qui était Tsutomu Yamaguchi ?

11-2.jpg M. Yamaguchi était officiellement la seule victime reconnue des deux bombes nucléaires américaines. Blessé à Hiroshima, il s’était rendu deux jours plus tard à Nagasaki où explosa la seconde bombe atomique. Il est décédé en 2010, à Nagasaki.

« Nous avons perdu l’un des plus importants témoins de cette histoire », a déclaré le maire de Nagasaki, Tomihisa Taue, dans un communiqué. « Son expérience douloureuse d’avoir subi les deux bombardements de Hiroshima et Nagasaki aura retenu l’attention du monde ».

Ingénieur aux chantiers navals Mitsubishi Heavy Industries, M. Yamaguchi se trouvait à Hiroshima (ouest) pour un déplacement professionnel le 6 août 1945, lorsque l’armée américaine a largué sur cette ville la première bombe atomique de l’histoire.

Il marchait dans une rue à deux kilomètres du point « zéro », la zone terrestre située à la verticale de l’explosion, la bombe ayant explosé au-dessus de la ville.

Grièvement brûlé aux bras, il est retourné deux jours plus tard rejoindre sa famille à Nagasaki, où les Etats-Unis ont lancé une nouvelle bombe nucléaire le 9 août. M. Yamaguchi expliquait le bombardement de Hiroshima à ses collègues lorsque le second engin a explosé, à quelque 3 km à la verticale de l’endroit où il se trouvait.

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Les bombes larguées sur Hiroshima et Nagasaki ont fait respectivement quelque 140.000 et 75.000 morts, décédés soit immédiatement, à cause de la chaleur ou du souffle de l’explosion, ou dans les mois qui ont suivi, victimes des séquelles des radiations (1).

Il est bien curieux ce destin d’homme, celui de Tsutomu Yamaguchi, rescapé de deux bombes nucléaires ; et il est bien épouvantable le destin de ce peuple, indéfectiblement lié au XXe siècle à l’aventure de l’atome, au basculement inexorable d’une destinée qui concerne l’Humanité en marche, telle une errance de moutons en pâture (2).

Des initiés comme Hoené Wronsky ou Saint-Yves d’Alveydre, croyaient en leur temps aux symboles transcendants, au « destin » des peuples et à leurs « missions ». Cette idée hautement révolutionnaire du « karma des peuples », peu ou pas évoquée précédemment, sinon par quelques textes sacrés, et peut être à quelques égards par un Jacques Cazotte, par exemple, ou par René Guénon plus tard, ne fut jamais vraiment reprise au plan purement initiatique, par la suite. Le cas particulier de la mystique chrétienne Anne Catherine Emmerich se devant également d’être mentionné ici, pour quelques visions de première importance. En marge et de son côté, sans pour autant évoquer explicitement cette notion ontologique de la mission des nations en tant que peuples élus, le philosophe contemporain, René Girard, évoque avec lucidité dans ses écrits les différents aspects psychologiques de ce qu’il nomme le « religieux archaïque » et que nous retrouvons, pour notre part, parfaitement en phase avec cette destinée des peuples.

II – LES TEMPS MÉTALLIQUES à L’AGE de PIERRE

« La catastrophe a ceci de terrible que non seulement on ne croit pas qu’elle va se produire, mais qu’une fois produite elle apparaît comme relevant de l’ordre normal des choses. »

Jean-Pierre Dupuy – Pour un catastrophisme éclairé.

Si le 11 septembre 2001 marque en préalable l’entrée des temps métalliques dans le XXIe siècle, la structure métaphysique de la pensée moderne du XXe siècle et du filum teilhardien qui en découle, ne peut se comprendre authentiquement qu’avec un avant et un après Hiroshima – Jean-Pierre Dupuy, l’a parfaitement signifié dans son remarquable ouvrage la « Marque du Sacré ». De la sorte, et encore pour le Japon à un degré autre, mais toujours pour une problématique liée à l’atome, la pensée du XXIe siècle ne sera maintenant plus jamais appréhendée sans référence à Fukushima Daiichi puisque la catastrophe de Tchernobyl du 26 avril 1986, en tant que mise en bouche, n’avait pas permis l’inévitable mobilisation des consciences qui aurait dû en découler.

Dans l’intervalle, là où souffle l’esprit, un homme sortit du troupeau. Symboliquement, Tsutomu Yamaguchi, unique survivant à deux bombardements nucléaires fut donc une sorte de « trait d’union » emblématique entre deux temps, entre le XXe siècle et le XXIe siècle, dans une époque où, avec deux guerres mondiales, les forces obscures étaient toujours bien identifiables. Au plan des équilibres mondiaux, avec Hiroshima le basculement des concepts philosophiques liés au « bien » et au « mal », fut mis à bas. La globalisation mondiale caractérisée, financière, et communicationnelle actuelle dans lequel se mire avec orgueil notre temps présent, met aujourd’hui et mettra encore plus demain, Fukushima Daiichi au cœur « radioactif » de la pensée moderne en devenir. L’élan maintenant impulsé par ce combat de l’eau et du feu assorti de son nuage mortifère conditionnera, sans aucun retour possible, toute la forme pensée d’une civilisation en totale décadence.

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La véritable question alors est de savoir bien identifier, dans ce XXIe siècle qui sera sans aucun doute, pour reprendre le questionnement de Malraux « bien peu spirituel », bien identifier disons-nous sur ce nouvel échiquier à concevoir comme un espace pluridimensionel radioactif et sur une ligne du temps qui va de Tsutomu Yamaguchi à Fukushima Daiichi, où se situent EXACTEMENT les oppositions et surtout quels sont leurs vrais visages ?

C’est dans cette parfaite clairvoyance, anticipée par nos élites, s’il se peut, au sein de la grande triade cosmique Deus, Homo, Natura que se concevra dans les toutes prochaines années la distillation de la destinée non plus des nations, mais de la race tout entière.

III

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Un cercle rouge

tracé du sang des justes

sur l’immaculée du Fuji-Yama.

* * *

Thierry E Garnier Les Chroniques de Mars, numéro 2, mars 2011.

(1) Biographie de Tsutomu Yamaguchi.

(2) Rappelons le mot de Bernanos : « Vous avez laissé s’organiser un monde où l’homme ne peut plus vivre qu’en troupeau.»

Voir aussi sur le BLOG //

> UNDER CONTROL

> Japon – Périgée 2011

> Apocalypse chez les amis des Mangas