On ne saurait passer sous silence l’œuvre de deux personnages ayant porté les couleurs de l’astrologie dans les années trente-quarante, dans une optique plutôt de vulgarisation, tous deux responsables de revues, pour Muchery, le Chariot (en référence au tarot) et pour Privat, le Grand Nostradamus. Deux œuvres que nous avons fréquentées, à nos débuts, l’un en tant que fournisseur de tables de positions planétaires, l’autre en tant que pédagogue.

I – Georges Muchery

Muchery ne s’en tient pas, du moins en apparence, à la seule Astrologie Scientifique, celle qui recourt obligatoirement à l’ensemble des données astronomiques, bien que les éditions du Chariot aient été connues, notamment, pendant des décennies par leur publication de deux volumes de Tables des positions planétaires de 1872 à 1937 et de 1937 à 2000. Elles donnaient les longitudes de six jours en six jours, sans donner les positions en signes. En fait, comme c’était la coutume encore à la fin du XVIIe siècle ces documents sont accompagnés d’un mode d’emploi, en forme de « supplément » avec notamment un développement sur « le calcul des aspects » Dans les dernières éditions, après guerre, les Tables comportent ainsi un » Manière pratique et scientifique d’établir une carte du ciel au moment de la naissance » ainsi que les « positions géographiques des principales villes de France et du monde » (Ed. Chariot, 28120 Illiers).

Il faut notamment saluer Muchery en tant que pionnier des représentations graphiques, dans un ouvrage intitulé Astrologie déductice et expérimentale. La date des événements (…) par les graphiques des directions primaires, à cette époque les directions primaires étant préférée aux transits du fait de la parution annuelle (chez Chacornac) des positions planétaires). C’est dire que Muchery jouait sur les deux tableaux.

Dans un registre, à destination d’un public assez large, nous trouvons Votre destinée, chaque année selon l’âge que vous aurez, le mois de votre naissance jusqu’en 1970, Ed. du Chariot (sans date d’édition, ce qui est une habitude chez lui mais d’après le contexte, on est alors au début des années soixante).

« Vos possibilités astrologiques (…) sont jugées d’après les déplacements des planètes lourdes (…) Les positions de ces planètes sensibilisent différemment tous les humains selon le décan zodiacal dans lequel ils sont nés » On est donc en face de transits.

Mais n’oublions pas, en dépit de son titre, et ce dès 1932, un ouvrage intitulé « Magie. Moyens pratique d’action occulte » dont une centaine de pages est consacré, quand même, à l’astrologie (pp. 18 et seq). On y propose notamment le calcul de l’Ascendant avec la « Position des maisons astrologiques à midi », plus de vingt ans avant les petits volumes des Ed. du Seuil.

Venons en au « Tarot Astrologique », qui fut très vite traduit en anglais et dont nous avons l’édition de 1927 (chez Edition Astrale illustrée, Paris). En réalité, une fois de plus, sous un titre auquel il ne faut pas trop se fier, c’est bien à de l’astrologie scientifique que l’on a d’abord affaire, Ephémérides de Raphaël à l’appui, importées d’Angleterre. C’est dans un tel ouvrage que notre ami Roberto Renout puisera, dans les années 90, la matière de ses textes astrologiques fournis informatiquement.

Ce que Muchery appelle « tarot astrologique » n’est en fait qu’une représentation imagée des différentes planètes et des différents signes, décan par décan mais cela ne couvre qu’une centaine de pages de ce gros traité de 350 pages et même dans ce cas, Muchery demande que l’on se serve des éphémérides, le tirage des cartes n’étant qu’un complément, comme c’est encore souvent le cas chez maint astrologue « scientifique ».
C’est l’occasion de rappeler que l’on ne peut séparer de façon par trop étanche astromancie et astrologie scientifique. Certains traités prévus pour servir avec des tirages relevant de la mancie pouvaient parfaitement être couplés avec la consultation d’éphémérides que l’on importait au début d’Angleterre et par ailleurs sous le label de l’Astrologie Scientifique, l’astrologie se voyait utilisée à des fins divinatoires et surtout véhiculait des notions qui n’avaient aucun fondement astronomique, sinon analogiquement, comme les domiciles des planètes…


II – Maurice Privat

Le traité de Privat fut celui qui en 1967 nous ouvrit les portes de l’astrologie, au niveau des calculs. Bien que datant de plus de trente ans plus tôt, il figurait dans la bibliothèque familiale : « L’Astrologie Scientifique à la portée de tous », Paris, Grasset. Privat avait une œuvre qui débordait largement de l’Astrologie et couvrait notamment le champ historico-politique. Ce n’est que plus tard que nous découvrîmes les deux autres volumes chez le même éditeur. La loi des étoiles. Philosophie de l’Astrologie, (1936) et L’Astrologie Scientifique-La Tradition (1938). Rappelons qu’en 1955, vingt ans après, Grasset fera appel, cette fois, au jeune André Barbault pour une Défense et Illustration de l’astrologie. Notons que Privat avait publié 12 brochures sur le zodiaque, chez Stock « Ceux qui sont nés ».

La suite de « l’Astrologie Scientifique à la portée de tous », son tome II, est le volume appelé « La Tradition » Nous n’en retiendrons que ce passage des premières pages : « Sans la moindre insinuation, faisons remarquer aux disciples de Choisnard dont nous sommes que ce rigoureux esprit a commencé par vérifier les règles proposées par Ptolémée et qu’il ne s’est rallié au système des Maisons qu’après avoir reconnu sa nécessité. L’astrologie scientifique n’a encore rien trouvé mais elle a permis de tenir pour légitime un certain nombre de lois qui nous furent transmises. Si pourtant, Choisnard dans sa précieuse Psychologie astrale a traduit en langage moderne des observations d’antan, en les rajeunissant et précisant. Les puissants génies qui ont inventé l’astrologie et crée la mythologie, prodigieux poème astrologique étaient si grands que nous ne pouvons penser à eux sans un divin émoi. Que saurions-nous de l’influence des astres s’ils n’avaient imposé leur science avec tant de force qu’elle s’est prolongée jusqu’à nous ? »(p.10).

Étudions « la Loi des Etoiles », parue en 1936, donc un an avant l’ouvrage de Paul Le Cour . son chapitre VIII est intitulé « Le cycle du verseau » (pp. 215 et seq, voir aussi pp. 284- 285). Privat signale les « quatre grandes étoiles formant la croix » : Aldébaran, Régulus, Antarés et Fomalhaut (pp 216-217) « D’après les Egyptiens, nous serions dans le cycle du Verseau depuis 1840. Or, il faut bien reconnaître que l’ère industrielle date de ce moment avec les grandes inventions modernes signées par Uranus, le socialisme et le bouleversement des sociétés. Si c’était une coïncidence, elle serait extraordinaire. »

Que répond Privat à la question qu’il pose (p. 232) : « Les buts de l’astrologie » ? « Le but de l’astrologie, c’est de la faire mentir ». Connaître les causes est son premier rôle ; elle doit parvenir à les annihiler. » Mais est-ce que l’on doit neutraliser telle phase d’un cycle ?

Nous terminerons justement avec l’examen de deux volumes de « Prédictions » parus en 1938 et 1939 pour les années suivantes, aux éditions Médicis, que nous avons dans notre fonds. Dans « 1939, année de reprise », avec une préface de Faust Zambrini. Privat revient sur ses premiers volumes « 1937, année de relèvement » et sur « 1938, année d’échéances ». Il reconnaît que les Nations sont plus « soumises aux destins » que les individus. Dans « 1938 », rappelle Privat « il présentait une méthode « si rigoureuse que nous pourrions découvrir, avant peu, des planètes inconnues (…). Nous pourrions donner la longitude exacte à un degré d’un astre errant dont nous surprendrions les effets. Ceux-ci ne pouvant se produire sans cause, nous remonterions à la source. Comme jadis, l’astrologue peut enrichir et enrichira l’astrologie »(pp. 8-9) Et d’ajouter « d’une planète inconnue frémit dans le signe du bélier à 15° de longitude, proche de l’étoile Alpheratz, à près de 90° de Véga et de Sirius » – Ses effets lui font penser à la déesse Minerve.
Dans 1940, année de grandeur française, volume paru en septembre 1939, C’est le temps de la « Drôle de Guerre », encore pleine d’illusions. Privat y annonce la « liquidation de l’aventure hitlérienne » (p. 153). Le thème du Führer est présenté et commenté (pp ; 150 et seq) ainsi que sa révolution solaire. « Le pays va entrer en lutte pour extirper les partisans qui font son malheur/ (…) La guerre civile prendra donc apparence aux environs du 10 novembre 1939/ A la mi-février un mouvement révolutionnaire commencera à jeter ses souffles empoisonnés (…). Le vent du désordre conditionnera une véritable épidémie d’insurrections (…). Pour se débarrasser de cette idole et de son infernale séquelle, le peuple devra mener une lutte affreuse et désespérée, consentir aux pires sacrifices afin de rejeter ces grossiers vampires. »

Texte en apparence assez surréaliste. Mais en astrologie, on ne saurait se contenter de dire que l’on avait ou pas prévu. Il faut en tirer des leçons. C’est ainsi que cette description semble assez bien correspondre à ce qui se passe actuellement dans le monde sous une configuration comparable, où Saturne, en balance, est à l’opposé de la position décrite par Privat, soit deux cycles et demi (56+ 14= 70). Privat nous apparait comme un inspiré ayant reçu un enseignement astrologique qu’il ne maîtrise pas mais qui, avec le recul, nous semble annoncer une nouvelle astrologie…

Jacques HalbronnChroniques de la Bibliotheca Astrologica.