« La moindre chose qui se forme au monde est toujours le produit d’une formidable coïncidence. »

Pierre Teilhard de Chardin

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L’enseignement de l’Histoire de l’Art, dans ces différentes composantes nous amène en permanence à la relecture des œuvres d’Art, selon la compréhension de l’époque dans laquelle elles ont été conçues. J’invite d’ailleurs ici notre lecteur à relire le très explicite et très beau livre de Daniel Arasse, intitulé : « On n’y voit rien », pour mieux comprendre à quel point cet exercice stylistique, éminemment délicat, que constitue pour l’intellect de « l’homme moderne », la transition ou le passage de la nature picturale, symbolique, graphique d’un tableau ancien, (ou fresque, architecture, bas-reliefs, etc.) à une compréhension véritable et juste, aujourd’hui, du sujet décrit – tel que l’a conçu l’artiste lui-même… En son temps !

Ainsi, rappelons pour exemple, la complexité qu’a représentée la figuration de la perspective naturaliste – ou objectiviste – dans un tableau peint, qui ne vient dans l’Histoire de l’Art que très tardivement… Tout le Moyen-Âge est justement entièrement traversé par cette distorsion des formes peintes, hésitant en permanence, entre transcription de la « réalité vraie », perspective cavalière, éléments de décoration vus en plan, simples symboles, etc., et ce n’est qu’à la Renaissance, avec surtout Alberti, Léonard de Vinci, et Abert Durër, entre autres, que va se synthétiser et théoriser surtout, une approche de restitution « oculaire » dans un plan donné, avec point de fuite et perspective élaborée, au sens purement géométrique du terme. Autre élément à signaler encore, puisque c’est un argument majeur du livre de Daffos et Hericart de Thury, le prolongement géométrique et mathématiques des ces travaux érudits de la Renaissance, que va ensuite développer au XVIIe siècle, Blaise Pascal dans son traité de géométrie projective (publié à l’âge de 16 ans !) et qui permet de parfaitement considérer la translation de la spatialisation des formes inscrites dans un plan à deux dimensions (peinture, gravure, etc.), et leur perspective volumétrique dans un espace induit – à trois dimensions – à partir « d’amers » projetés, points x et y – abscisses et ordonnés ; ou pourquoi pas « longitude » et « latitude », à prendre au sens antique du terme (voir à ce sujet les travaux que nous avons déjà publiés sur les tracés en plan du château de Montségur et leurs connexions effectives avec les portulans du XIVe siècle), selon un point zéro déterminé, ou autres données fixes prises en références, ou un code cryptographique original).

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Et pour rester dans l’affaire de Rennes-le-Château, rappelons aux meilleurs spécialistes qui n’ont pas perdu le fil, cette surprenante interrogation oubliée de Saunière, mais sans doute si importante, demandant à l’ingénieur Ernest Cros, comment calculer la hauteur d’une montagne (1) ?

On peut douter que ce soit pour passer le temps que le  » curé aux milliards « , s’adonnait à de telles activités de l’esprit…

Du hasard et de la coïncidence.

Dans le cadre de cette expertise à venir, nous livrons en supplément, avec cette nouvelle parution des « Chroniques de Mars – No 5 », une bien curieuse coïncidence que nous avons faite nôtre à partir des travaux de recherches de Didier Hericart de Thury et Franck Daffos, et qu’il semble inutile pour l’instant de commenter davantage, puisque comme le dit la sagesse populaire chinoise : « une image vaut mille mots ».

4-4.jpg Cette réflexion graphique, qui n’a pas, pour l’instant, d’autre prétention que de comparer la seconde version des Bergers d’Arcadie de Nicolas Poussin avec le tableau de Teniers, (œuvre non datée), La Tentation de Saint Antoine (en fait, sur le thème des sept péchés capitaux, comme le signale Franck Daffos) demeure malgré tout un intersigne favorable tout à fait singulier.

Dans les deux cas de figure, sur le plan de la mise en place scénographique des tableaux, on retrouve les mêmes volumes en perspective : (un tombeau dans un cas, un autel dans l’autre), et une oblique absolument identique : une canne de berger chez Poussin, et la canne de Saint Antoine, chez Teniers. Rappelons aussi que la symbolique de la canne, nous amène à considérer cet objet de berger, propre à éloigner les loups, comme étant aussi de nature à compter et à mesurer… (2), telle la canne compagnonnique ou la canne d’arpenteur, du géomètre expert.

Une étrange coïncidence, somme toute….

Inutile d’y voir plus.

Thierry E GarnierLes Chroniques de Mars, No 5, juillet – août 2011.

(1) Voir ABC de RLC, page 109.

(2) Apocalypse XI-1 – « On me donna un roseau semblable à une verge, en disant : Lève-toi, et mesure le temple de Dieu, l’autel, et ceux qui y adorent. »

* * *

En illustrations :

1 – Initiation à la Géométrie descriptive par Albert Durër, et tableau de Teniers : La Tentation de Saint Antoine (détail).

2 – Blaise Pascal – Traité de Géométrie projective, et exemple à partir du tableau de Poussin – Les Bergers d’Arcadie.

3 – Illustration XIXe siècle. « Canne d’arpenteur » tirée de « La Nature – revue des sciences et de leurs applications aux arts et à l’industrie » – Revue née en 1873.