« La Tradition c’est une manière de penser, de faire ou d’agir qui est un héritage du Passé. »
Pierre Grelot

Vaour, au nord-ouest du département du Tarn, riche région de vignobles, se trouve exactement à quelques kilomètres de Cordes (1) dans le Gaillacois. (En venant de Toulouse, prendre la direction de Saint-Sulpice puis Le Verdier.)

Au moyen âge, Vaour est en Terre Occitane, à une époque où les arts, les lettres, la culture sont reconnus en occident chrétien comme étant les plus développés. Le philosophe allemand Friedrich Engels (1820-1895) (2) n’hésita pas à décrire cette région ainsi : « La nationalité méridionale française différait au moyen âge de la nationalité du nord tout autant qu’aujourd’hui la polonaise, de la russe. Cette nationalité méridionale n’avait pas seulement atteint un développement éclatant : elle se situait à la pointe du développement de l’Europe. Avant les autres nations, elle disposait d’une langue bien formée. Sa poésie offrait à tous les peuples parlant la langue romane et même aux allemands et aux anglais, un modèle alors inégalé. Dans l’élaboration de l’idéal chevaleresque, elle rivalisait avec les castillans, les barons du nord et les anglais : pour l’industrie et le commerce, elle ne cédait en rien aux italiens. En elle, ce n’était pas seulement une phase de la réalité médiévale qui arrivait à la plénitude, c’était un fragment éclatant de l’antiquité grecque qui pénétrait profondément le moyen âge. La nation méridionale française n’a pas seulement rendu de grands services à la famille des peuples européens. Son apport est proprement illimité. »

La commanderie des templiers de Vaour fut fondée vers 1140 et étendait son influence très largement au-delà de la région, jusque dans le pays du Quercy. Avant d’investir ce nouveau territoire, les Templiers étaient installés en la paroisse Sainte Marie-Madeleine, ils s’installeront donc plus tard dans les hauts de Vaour, terres de prédilection, déjà conquises en des temps plus reculés par les tribus autochtones du néolithique. On peut voir, encore non loin du village, le dolmen de Vaour, intact, si ce n’est la table sommitale brisée en deux parties. Cette région ancestrale est dédiée assurément aux cultes des eaux, l’abondance des sources souterraines et des résurgences aqueuses étant profuses aux alentours de Vaour. Une proéminence rocheuse à l’entrée de la commanderie, comme un gardien du seuil, marque l’emplacement d’un espace sacré, des scarifications, à même la pierre, parfois recouvertes de mousse, en attestent. Sur cet espace magique, fiché en sol, une grande croix en fer forgé signale le passage des cultes. Une inscription « Mission 1900 ». Les Templiers conscients de leur apostolat, accordaient une importance extrême au choix de l’emplacement de leurs commanderies. On retrouvera sur ces mêmes traces le passage des Druides, ceux que Pythagore appelait « les philosophes de l’Antiquité » et bien sûr des hommes de la Préhistoire. Une fois encore c’est le cas à Vaour et « l’Esprit du Lieu » animait sensiblement les chevaliers aux blancs manteaux. (3)

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L’historien et chercheur Francis Fabre dans une courte étude sur Vaour (4), publiée en 1972, nous donne les éléments descriptifs essentiels sur cette commanderie :

« Cette « Maison », ainsi que l’appelaient les Templiers, n’était pas un château fort comme le veut la tradition locale, et ses murs n’auraient pas résisté à une attaque en règle.

Elle était de plan trapézoïdal et occupait une surface de 2500 m2 environ, soit approximativement 1100 m2 de bâtiments.

Le porche d’accès voûté en plein cintre et surmonté d’une pierre armoriée, s’ouvre au nord-est dans un angle de la commanderie et donne dans une première cour. Face à l’entrée, un bâtiment était destiné à l’exploitation agricole, aspect que possédait presque toute commanderie provinciale. Il abritait au niveau de la cour, la grange dont on peut voir encore une porte surmontée d’une pierre armoriée rendue illisible. Une rampe en pente douce conduit à l’étage inférieur à travers une porte au cintre irrégulier, à une vaste salle à la voûte romane. Celle-ci était utilisée comme écurie (n’oublions pas que les Templiers étaient des chevaliers). Ce bâtiment présente, côté sud, une série de contreforts massifs très rapprochés.

A gauche de la cour d’entrée se trouvait la « Grande Maison », c’est à dire la partie de la commanderie réservée aux chevaliers et strictement interdite aux laïcs. La pièce maîtresse de la « Grande Maison » était le « donjon », grosse tour massive d’une vingtaine de mètres de haut et située à l’est de la Commanderie. D’un appareil très régulier, il était décoré extérieurement de pilastres à peine saillants et réunis par des arcatures en plein cintre. Il abritait au rez-de-chaussée la chapelle à laquelle le public accédait après avoir traversé le cimetière, par une porte à doubles voussures romanes supportées par des colonnes à chapiteaux. Elle était placée sous le vocable de Notre Dame. Sa voûte, en berceau légèrement ogival, était divisée en deux travées par un arc doubleau en ogive et supporté par deux colonnes à chapiteaux historiés. Un cordon courait à la naissance de la voûte, tout autour de la chapelle. Contre le mur terminal, un escalier tournant de quatre-vingt six marches menait au dessus à une salle voûtée, elle aussi en ogive. Le sommet du « donjon » devait être à l’origine une plate-forme, mais il fut par la suite couvert d’une toiture à trois pans surmontée d’une tour de guet. Il était fortifié et présentait au sommet des murs une couronne de corbeaux destinée à porter des hours à mâchicoulis. Une salle basse, fortifiée de même manière, s’appuyait contre le « donjon ». Elle servit à partir de 1684 de nef à la chapelle, après la destruction par un incendie de l’église paroissiale.

La partie conventuelle était constituée par deux bâtiments perpendiculaires qui enserraient, avec le « donjon » et sa salle basse, une cour intérieure. Le bâtiment à deux étages dont on voit encore la façade était destiné au rez-de-chaussée aux cuisines et au réfectoire, et l’on peut encore de nos jours retrouver le four. Au-dessus était certainement le logement du Commandeur, comme en témoigne toujours une pierre armoriée au-dessus d’une fenêtre. Une tour octogonale à trois étages marquée à l’extérieur par un cordon de boutons en relief permettait d’accéder aux appartements. Elle servait de cage à un escalier en colimaçon dont les marches présentaient de quatre en quatre, à l’intrados, une main tenant un bâton noueux, symbole du bâton du Commandeur. Ainsi devait se présenter la Commanderie de Vaour aux XIIème et XIIIème siècles, mais très peu de documents permettent d’en donner une description détaillée. Elle était occupée par un très petit nombre de chevaliers ; moins de dix certainement. Moins de dix chevaliers pour une commanderie de cette importance, cela semble peu probable. Faudrait-il alors chercher ailleurs, dans un autre lieu, le centre stratégique de cette commanderie ?

En toute réalité, le souffle de la destinée nous mis bientôt en présence de ce que nous cherchions, un lieu de mémoire templier, un peu en contrebas de l’éperon de grès, dans le vallon se trouvait situé « Le Relais Templier » anciennement « l’Hôtel du Parc ».

Ici, siégeait selon toute vraisemblance le centre administratif de la commanderie de Vaour.

« Ecce quam bonum et quam jucundum habitare frates in unum. »

« Voici qu’il est bon, qu’il est agréable d’habiter tous ensemble ainsi que des frères. C’est comme une huile précieuse répandue sur la tête et qui coule sur la barbe, la barbe d’Aaron, qui coule sur le rebord de son vêtement. Comme la rosée de l’Hermon qui descend sur les montagnes de Sion. C’est là que le seigneur accorde sa bénédiction dans les siècles des siècles. »
Psaume 132 de l’investiture des Templiers.

Thierry E Garnier – « La lettre de Thot » © DR Mars 2004.

(à suivre… : nous évoquerons l’aspect Hermétique et Symbolique de cette commanderie.)

En illustration : Photographies de la Commanderie de Vaour, Arcadia © et carte postale du début du siècle, relais des Templiers de Vaour, archives Arcadia ©

Sur le « Relais de Vaour » voir le site internet de Guy et Maryse Petitimbert : http://www.relais-templier.com/, qui vous accueilleront admirablement si le cœur vous en dit, avec voyage en ballon en prime, pour un survol de la région.

(1) Cordes, village médiéval aujourd’hui appelé Cordes-sur-Ciel, superbement restauré, mérite véritablement le détour ne serait-ce que pour la statuaire symbolique ornant de nombreuses façades de maisons d’époque, plusieurs à caractères alchimiques. Ajoutons, cela nous le verrons plus tard n’étant pas sans un certain intérêt, que le petit village de Cordes à quelques kilomètres de Vaour fut la ville natale de Bernard-Raymond Fabré-Palaprat, Grand Maître en 1804 de l’ « Ordre du Temple ». Ordre néo-templier connu également sous le nom d’ « Ordre d’Orient ». Fabré-Palaprat affirmait, quant à lui, que sa filiation descendait en ligne directe et de façon ininterrompue du dernier Grand Maître du Temple, Jacques de Molay.

(2) Fondateur de la sociologie ouvrière, auteur notamment de nombreux ouvrages sur le matérialisme dialectique, il publiera une partie des œuvres posthumes de Karl Marx. Il meurt à Londres en 1895.

(3) « Au fil du temps passé au contact de l’Orient et de la péninsule ibérique, certaines conceptions orientales et occidentales druidiques, ne s’étaient-elles pas infiltrées dans les rituels de réception introduite par un petit nombre de frères plus ouverts que d’autres aux influences gnostiques de Terre Sainte et andalouses. » JL Aubardier & M Binet.