« L’Ile des Veilleurs, admirable et somptueuse imposture. » Patrick Ferté

Verdon mystérieux et envoûtant. Terre de bergers et de moutons, domaine Templier, isthme rouge de vignes et de serpents verts, sublime accès d’éternité, le Verdon veille depuis des millénaires, ensorcelé qu’il est de maintes histoires de trésors enfouis et de légendes horrifiantes.

A-t-il vraiment fallu un baiser de braise sur une arche endormie pour éveiller au cœur des arcanes du pays d’Aaron, le Léviathan et son cortège de prophètes. Ils eurent et ont pour noms aujourd’hui, ces Veilleurs de l’Aube, Alfred Weysen, Jangast, Paul Amoros, Michel Moutet, Jacques Rabitz, et quelques autres encore… partis en quête d’aventures, de chimères ou de littérature. Ils savaient tous que le trajet serait long, les sirènes obscures, les périls sans nombre et le temps compté. Mais au loin, l’un d’entre eux, qui peut dire, sut peut-être entrevoir le reflet d’un rai d’escarboucle et nous livrer en pâture trois gouttes de rosée propre à humecter nos consciences avides de lumière.

Au même instant, le béryl vert en se brisant dans les lavandes mauves de Provence, occit dans un souffle dévastateur, une partie de l’échiquier de marbre poli et ses pièces de sable.

Dès lors, dans le sombre nocturne d’une grange à demi enfouie, près de Silae, en terres d’Arcadie, les ombres lourdes et dantesques des pénitents encerclent d’un tapis éburnéen l’étoffe des bergers.

Les Bergers d’Arcadie © DR La LdThot Numéro Spécial, juillet & août 2006.

En illustration : «L’Ile des Veilleurs» – Photo Arcadia ©

Préambule en forme de Carline

En 1962, Robert Charroux publie « Trésors du monde », un livre consacré aux trésors de tous les cultes et de toutes les traditions, enfouis, engloutis, emmurés… On y trouve quelques pages consacrées au trésor des Templiers, au château de Valcroz (sic), ainsi qu’à son propriétaire, un certain monsieur M. – en réalité Georges Marcolla, d’origine polonaise, qui découvrit un jour de 1915, dans un livre de la bibliothèque familiale, un étrange manuscrit concernant le trésor des Templiers :
« Sous l’ancien château du Val de Croix, se trouve le trésor des Templiers. Va et cherche, le saint et la vérité te montreront la voie. » (1)

Georges Marcolla après de nombreuses péripéties découvre enfin le château de Valcros – dans le Var – qui, selon lui, est le site décrit dans le document (2). Le château, en réalité une grosse ferme, remontant tout au plus au XVIIIe siècle, ne livrera à son propriétaire, finalement que bien peu de secrets. Il est vrai que dans la chapelle attenante on découvrit effectivement un tableau représentant un saint en extase, que l’on baptisa sans doute un peu vite, saint Célestin… (3)

A la suite de la lecture du livre de Robert Charroux, un certain Alfred Weysen, ingénieur civil, de nationalité belge, spécialiste de cybernétique et de robotisation, passionné d’archéologie et de légendaire arthurien, visite la région du Verdon, et après différentes recherches sur le terrain qui semblent corroborer son travail, décide en 1962 de contacter Georges Marcolla, le propriétaire du domaine de Valcros. Ces approches virent leurs concrétisations en 1964. Et un engagement contractuel fut signé entre les deux protagonistes, pour le partage du trésor. Selon nos sources, Alfred Weysen était également tenu d’informer le Ministre de la Culture de l’époque André Malraux, de toute découverte sur le site ou aux abords. Quand on connaît l’importance d’André Malraux dans les investigations souterraines qui eurent lieu au Château de Gisors, dans les années 1960, concernant la supposée découverte de Roger Lhomoy, cela ne peut que nous conforter dans l’idée que certaines de ces recherches sur le Verdon étaient réellement de la première importance, et connues du pouvoir en place (4).

Durant les périodes d’hiver où les fouilles sont suspendues, Alfred Weysen continue ses recherches historiques pour arriver finalement à la conclusion surprenante, qu’il a découvert « Aeria », la cité initiatique et sacrée de Provence dont parlait Strabon, historien et géographe du premier siècle avant notre ère (5). Weysen met en place dans le même temps une cosmogonie sacrée basée sur un Zodiaque naturel de 15 kilomètres de diamètre, aux figures traditionnelles des constellations, qu’il pense avoir identifié aux abords de Valcros.

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Avec force analyses, détails et développements, Alfred Weysen écrit ensuite 3 livres consacrés au Mystère du Verdon, et c’est le plus connu, l’Ile des Veilleurs – Saint Graal et fabuleux trésor des Templiers paru en 1972, (de nombreuses réédition s’ensuivront) qui va marquer au fer rouge deux générations de chercheurs.

Aujourd’hui encore, le Verdon a gardé tout son secret, mais il est bien possible que le nid de la perdrix conserve intact son précieux dépôt.

Avec les quelques articles suivants, qui composent notre affiche de l’été, interviews et photographies inédites, documents essentiels, [La Lettre de Thot 43 & 44] vous convie ce mois-ci avec ce Numéro spécial sur le Verdon à rouvrir ce dossier – et vous invite durant vos vacances à venir sur ces lieux enchanteurs trouver, vous aussi, de quoi tisser une trame susceptible d’éclairer votre flambeau et mieux comprendre le mystère de l’Occitanie tout entière.

Ajoutons aussi que pour nous, le Mystère du Verdon dépasse de très loin « l’Ile des Veilleurs » telle que l’exprima si magnifiquement en son temps Alfred Weysen. Et qu’au-delà des témoignages recueillis, pour cette période, il faudra aussi au chercheur appréhender complètement non seulement cette terre d’élection dans ses différentes composantes historiques à bien restituer, mais aussi son « légendaire »… qui concerne également le XXIe siècle.

Sans oublier d’évoquer le mystère des mutilations des moutons de Saint-Maymes…

Arcadia © DR – Juillet 2006 la LdT.

(1) Voir aussi de Daniel Réju, Les Demeures de l’impossible, Belfond ed. 1973.

(2) Georges Marcolla mènera durant toute son existence, des fouilles sur ses terres, avec l’aide de différents chercheurs, qui n’aboutirent jamais aux résultats escomptés…

(3) Et non pas dans la chapelle Saint-Thyrse, comme l’écrit fautivement Jean-Luc Chaumeil dans son livre, Le Trésor des Templiers, Trédaniel ed. 1994. Voir aussi l’interview de Jangast pour la dénomination du saint et celle de Michel Moutet pour l’attribution étymologique de Valcros à Val Croix.

(4) Voir de Gérard de Sède – Les Templiers sont parmi nous.

(5) Interview d’Alfred Weysen, du 7 avril 1973, Guide des Loisirs.

En illustration : L’Ile des Veilleurs – Alfred Weysen, édition originale 1972, Bibliothèque Arcadia © & Portrait d’Alfred Weysen et envoi de l’auteur, archives Arcadia © DR

Bibliographie : D’Alfred Weysen ; Trois ouvrages essentiels – L’Ile des Veilleurs, Le Temple du Graal, Le Graal interdit – de Jean Gast ; toute son œuvre et particulièrement son dernier ouvrage qui reprend l’intégralité de son travail, 35 ans de recherches pour retrouver le Trésor des Templiers du Val de la Croix. Voir aussi et entre autres de Robert Niel : Divine Haute Provence, et La Provence sous la Galaxie Gassendi.