MILLENIUM

Au début de l’année 2005, lors de l’une de ses dernières apparitions à la télévision française Claude Lévi-Strauss déclare :

« Ce que je constate : ce sont les ravages actuels, c’est la disparition effrayante des espèces vivantes, qu’elles soient végétales ou animales ; et le fait que du fait même de sa densité actuelle, l’espèce humaine vit sous une sorte de régime d’empoisonnement interne – si je puis dire – et je pense au présent et au monde dans lequel je suis en train de finir mon existence… Ce n’est pas un monde que j’aime… »

La crise financière mondiale de 2009 offre aujourd’hui la particularité de se focaliser massivement sur la perte de pouvoir d’achat des pays riches de l’hémisphère nord, en oubliant comme il se doit les tiers et quart monde qui, eux, se trouvent touchés seulement un peu plus, beaucoup plus, par un scandale US sans précédent, bien loin de leurs préoccupations quotidiennes et, faut-il le reconnaître, les parachutes dorés et les retraites « chapeaux » (!) des PDG des World compagnies de tout acabit, sont bien éloignés du quotidien miséreux du pirate somalien lambda… La famine en Afrique se compte en millions de morts et ne cesse d’augmenter de façon accrue. En outre, d’ici à l’année 2020, un cinquième de la main d’œuvre agricole dans les pays d’Afrique australe aura été décimé par le SIDA… pendant ce temps une partie de notre jeunesse occidentale et dorée, bien peu préoccupée par les pandémies mondiales, s’attache brillamment à surfer sur le Web, à la recherche de sites Internet faisant la promotion de l’anorexie (1)… Quand au « développement durable » dont on nous rebat volontiers les oreilles ici ou là, sorte de tarte à la crème à la sauce écologiste, il nous revient en mémoire une phrase mémorable de Charles Palahniuk qu’il nous plait de citer ici dans cet éditorial : « Cette histoire de développement durable, c’est de la connerie, on est déjà foutu ; c’est comme si on exigeait à un cancéreux en phase terminale d’arrêter de fumer sur son lit de mort… »

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Edgar Cayce (1877-1945)

VERS LE SOLEIL DE MINUIT

D’aucuns auraient pu s’attendre que >[La Lettre de Thot], dans ce numéro spécial consacré au « Millénarisme & Signes des Temps » mette volontiers en avant analyses contextuelles et écrits apocalyptiques bien connus, déjà annoncés dans le passé par des prophètes de grandes envergures, de Lucain le poète romain et neveu de Sénèque à Edgard Cayce le mystique, encore appelé le « prophète dormant » ; en passant par Hildegarde de Bingen, Joachim de Flore, Michel de Nostredame, Anne Catherine Emmerich, Maître Philippe de Lyon, le pape Pie XII, et bien d’autres encore (2)… Sans oublier bien sûr, l’apôtre Jean, le calendrier Maya, les configurations astrologiques des cartes du Ciel pour le prochain quart de siècle, le Ragnarök qui verra la victoire des géants démoniaques, les apparitions mariales, les prophéties Kataugues de la fin des Temps, celles de Fatima et de la Salette, les concepts de « Rapture » ou de « Tipping point » si prégnants aux USA, les mises en garde millénaristes des Mormons ou encore les écrits de l’américain Timothy Leary qui considère que : « le système nerveux branché sur la concentration intérieure, permettrait de décoder un message cellulaire apte à découvrir que la chaîne entière de l’évolution sur cette planète est inscrite dans les molécules protéiniques du noyau de chaque cellule de notre corps… »

Il nous faut bien aussi reconnaître que la « fin des Temps » – temps de l’Apocalypse et des révélations – sans nier sa nature déterminative – est prédite depuis toujours, en tous temps et à toutes dates, parce que la nature de l’Homme est ainsi faite – s’interrogeant sans cesse sur son origine énigmatique (descendant du singe ?) – et sa fin annoncée… Le seul moment où il ne se passa « rien » en Occident chrétien, rappelons-le, est le passage à l’an Mil sous le pontificat de Silvestre II… Malgré les dizaines, voire centaines de livres qui furent écrits sur ce sujet, le subterfuge mensonger de la « grande peur de l’an mille » fut en réalité une invention anticatholique créée de toutes pièces au siècle des Lumières, reprise ensuite inconsidérément par le positivisme ignorant et tout aussi parfaitement bigot des historiens du XIXe siècle (3). Quant au bug de l’an deux mille, prédit à la fois par la crème des scientifiques de la planète et les informaticiens de tous acabits, nous l’attendons toujours…

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LE MIRACLE DE FATIMA

Nous avons au contraire préféré dans ce dossier complexe nous attacher à stigmatiser une forme « d’écologie spiritualiste » éloignée volontairement de tout contingentement prophétique, religieux, dogmatique ou partisan, comme on le retrouve malheureusement trop souvent sur certains sites Internet se voulant précurseur d’une telle référence. Nous avons retenu pour notre étude, dans l’avalanche d’ouvrages de tous types exacerbant de façon précise et étayée un constant flagrant s’approchant d’une fin de cycle très marquée pour la planète (ce que d’aucuns appelleront le « Kali Yuga » ou âge du fer), quelques livres. Très peu en réalité exercent une synthèse de qualité, pragmatique et cohérente, qui serait à la fois d’ordre sociétal, économique, philosophique, scientifique surtout, et symbolique au sens Traditionnel du terme.

Nous avons opéré un « tri sélectif » que nous pensons de qualité et que les lecteurs de La LDT retrouveront ci-dessous, dans des poubelles de couleurs différentes (4)… Si l’ouvrage de Mark Lynas (5), 6 degrés, n’est finalement (mais ce n’est pas rien), un livre ni visionnaire ni prophétique, mais demande a être lu absolument en préalable en guise d’amuse-bouche comme anticipation à une réalité en devenir, le philosophe Bertrand Meheust lui, rare auteur à ne pas se réfugier derrière le biographique et les titres ronflants, nous mets devant nos contradictions patentes dans sa Politique de l’oxymore (6), un ouvrage d’une acuité géniale qui fait défaut à bien des livres. A ne manquer sous aucun prétexte… Pour Jean-Pierre Dupuy La Marque du Sacré se situe elle dans « l’ombre portée par l’avenir catastrophique qui semble être le destin de l’humanité » (7). Ce livre est un volet second très complémentaire selon nous au livre de Meheust car il redimensionne magistralement la nature profonde des sciences toutes puissantes lorsqu’elles sont déconnectées d’une dimension sacrée évidente. Là, la problématique théologico-scientifique est posée sans concession, et le fait est suffisamment rare pour être noté ici. Pour Jean-Pierre Dupuy, la science est une théologie qui s’ignore… Autant dire qu’avec une telle affirmation se retrouvent au sud de nulle part, bien des philosophes contemporains et des scientifiques de tout poil… Autre dimension, et nous voyons dans ce choix une cohérence profonde, avec La Nature et le Sacré ­ Les catastrophes naturelles signes des temps, sous le parrainage de Frédérick Tristan, qui démontre à la suite, que jamais la Philosophia perennis ne s’est coupée d’une telle évidence, qui place le symbole, l’homme et sa métanoïa, au centre même du manifesté. Et, au-delà, au cœur de l’âme des choses. L’origine du symbole, comme sa fin, étant par définition le sujet même de la Tradition primordiale et de son « alliance » avec la Nature. Pour finir, Amin Malouf (8) dans une vision périphérique d’un monde dénué de boussole, considère la somme des dérèglements constatés aux différents plans de conscience dévolus à l’êtreté comme un dérèglement majeur de la civilisation tout entière, dérèglement mettant en avant la question du pouvoir et de sa légitimité au niveau planétaire…

Quant à François Trojani, nous avons eu plaisir à le questionner sur son dernier livre, à la fois inattendu, mais ô combien essentiel ! Nous vous recommandons donc très chaudement cette petite bibliothèque idéale et surtout fondamentale, pour y voir beaucoup plus clair sur cette apocalypse annoncée et ce, pour un mini budget de moins de 80 euros…

Il est difficile de faire du « catastrophisme » sans passer pour l’empêcheur de tourner en rond, il est encore plus difficile de ne pas alerter l’opinion avant l’ultime seconde… Comme le dit Hubert Reeves : « D’ici 2050, on aura exterminé 25% des espèces vivantes sur la Terre. La dernière fois où une telle chose s’est produite, c’est lors de la chute de cette météorite qui en a exterminé 50%, il y a 65 millions d’années… Mais il faut faire comme s’il y avait encore de l’espoir. Il faut être volontairement optimiste. Je ne souhaite pas la disparition de la race humaine ! De toute façon, seuls deux scénarios sont possibles : ou les humains arrivent à contrôler leur influence, ou ils s’autodétruisent. »

Il nous reste maintenant de la neige artificielle en hiver, mais l’arctique et l’antarctique fondent à vitesse grand V… comme des glaçons dans votre verre de pastis…, plus de poissons en 2050, des forêts en Amazonie saccagées mais des arbres en images de synthèse ; la nature en hologramme et des animaux de zoos clonés, des fleurs virtuelles à envoyer par le Web et pour les nostalgiques… Roby le robot de « Planète interdite », mais c’était en 1957…

« La Terre est bleue comme une orange », nous disait Eluard, mais c’était juste un poète…

Et dans les soubresauts du monde pleurent les enfants des marionnettes.

TEG // ARCADIA © La LDT, juillet 2009

Et bien sûr nous vous invitons à voir ou revoir le magnifique film « Home » de Yann Arthus-Bertrand :

http://www.youtube.com/homeprojectfr

« Nous vivons une période cruciale. Les scientifiques nous disent que nous avons 10 ans pour changer nos modes de vie, éviter d’épuiser les ressources naturelles et empêcher une évolution catastrophique du climat de la Terre. »

J’aimerais que ce film devienne aussi votre film. Partagez-le. Et agissez.

Yann Arthus-Bertrand

(1) Ces sites Internet, plus ou moins discrets, souvent dissimulés derrière des mots de passe, rassemblent des adolescentes tentées ou déjà convaincues par l’anorexie. Nous leur conseillons plutôt un stage de survie au Soudan ou en Ethiopie.

Les dix commandements de l’anorexique //

1. Si tu n’es pas mince, tu n’es pas attirante.

2. Etre mince est plus important qu’être en bonne santé.

3. Tu dois t’acheter des vêtements étroits, couper tes cheveux, prendre des pilules diurétiques, jeûner,… Faire n’importe quoi qui puisse te rendre plus mince.

4. Tu ne mangeras point sans te sentir coupable.

5. Tu ne mangeras point de nourriture calorique sans te punir après coup.

6. Tu compteras les calories et restreindras tes apports.

7. Ce que dit la balance est le plus important.

8. Perdre du poids est bien / en gagner est mauvais.

9. Tu ne peux jamais être trop mince.

10. Etre mince et ne pas manger sont les signes d’une volonté véritable et de succès.

Voir aussi ici.

(2) Un exemple entre cent, le cardinal Pierre D’Ailly (1350-1420) qui prédit au XIVe siècle la fin des Temps pour l’année 1789, (ce qui après tout n’était pas rien)…

(3) Voir de Massimo Introvigne – Les Veilleurs de l’Apocalypse, Claire Vigne ed. 1996.

(4) Nous avons volontairement dans ce dossier laissé de côté deux phénomènes importants : – les gaz carboniques et leurs conséquences néfastes sur l’environnement, dont on attend toujours une étude contradictoire subtile pour bien comprendre dans les détails la réalité de ce phénomène qui a peu à voir avec la consommation de carburant de votre Clio, (… malgré ce qu’en disent nos amis les publicitaires…). A noter que c’est seulement très récemment, depuis avril 2009, et l’administration Obama, que l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA) a décidé de considérer les gaz à effet de serre, principalement le gaz carbonique (CO2), comme dangereux pour la santé publique. Une conclusion obtenue après un examen scientifique approfondi ordonné par la Cour suprême, en 2007, signale que : « Les résultats de ces études confirment que les gaz à effet de serre représentent un grave problème actuellement et pour les générations futures », a déclaré Lisa Jackson, directrice de l’EPA citée dans le communiqué. – Et second élément : le phénomène dit de la « déplétion du pétrole » :

http://www.encyclo-ecolo.com/D%C3%A9pl%C3%A9tion

mais dont les « solutions de rechange » se trouvent être plus que sujettes à caution, à l’heure où nous écrivons… D’où l’extrême intérêt d’ailleurs de lire avec grand profit le très bel ouvrage de Bertrand Meheust, La Politique de l’oxymore.

(5) http://www.marklynas.org/

(6) http://bertrand.meheust.free.fr/oxymore.php

(7) http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Pierre_Dupuy

(8) http://www.aminmaalouf.org/