« L’invention » de l’homme préhistorique, 1838.

Voici rien moins que la toute première représentation de l’homme antédiluvien ou « homme fossile ».

22-36.jpg L’évolution, non pas de l’homme préhistorique, mais de la représentation que nous nous en faisons… est illustrée par cette gravure, signée de l’Allemand Susemihl, intitulée «L’homme fossile». C’est dans un article du botaniste et vulgarisateur scientifique français Pierre Boitard — «L’homme fossile. Étude paléontologique» —, que Magasin Universel («publié sous la direction d’une société de savants et d’artistes») présente à ses lecteurs l’homme préhistorique, en fonction des connaissances paléontologiques de l’époque (1838). Notre homme apparaît comme parfaitement adapté à la bipédie, ses jambes semblent fort peu musclées, ses pieds sont longs et plats. Bien qu’équipé de mâchoires allongées et d’un gros orteil opposable, son corps est au final plus proche de l’homme que du singe…

Une représentation qui aura la vie dure. On la retrouve en effet en 1909, comme le montre l’image suivante…

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« L’homme primitif », 1909.

« L’homme primitif », composition de M. Orazi pour illustrer un article de Charles Torquet, « La naissance de l’homme» (Je sais tout, 1909). «Faite d’après la description d’Ernest Haeckel, prof. à l’Université d’Iéna, cette reconstitution de l’homme primitif ne peut, bien entendu, être considérée que comme une hypothèse approchant sans doute de la réalité, mais qu’il serait téméraire de garantir». Depuis 1838, l’homme semble avoir conservé des jambes particulièrement fluettes et sa hache ne le quitte plus. Seule différence notable : ses mâchoires sont moins allongées. Cette image recycle des conceptions déjà anciennes en matière de paléontologie, lesquelles auront ainsi traversé tout le XIXe siècle, y compris chez les scientifiques.

Last but not least, une précision s’impose relativement à Pierre Boitard : sur sa lancée, après cette contribution quant à l’« invention » de l’homme préhistorique, il « invente » en effet, la même année, rien moins que les extra-terrestres modernes. Dont les toutes premières représentations figurent dans une série d’articles de vulgarisation scientifique qu’il donne pour Musée des familles (en différentes livraisons de 1838 à 1840). Boitard, un génie méconnu… ! Sur ce sujet, on consultera avec intérêt le Dictionnaire visuel des mondes extra-terrestres (Flammarion, 2010) qui reproduit notamment la série de ces toutes premières représentations des « habitants des planètes » du système solaire, largement inspirée de l’évolutionnisme…

Yves BOSSON © – pour les Chroniques de MARS, numéro 11, juin 2013 – Crédits photos // coll. Agence Martienne.