L’astrologie a su conserver un grand nombre de dispositifs, de « techniques » mais cela ne signifie pas qu’elle en comprenne l’utilisation convenable. Entre ce que fait l’astrologue de certains savoirs astrologiques et la véritable raison d’être des dits savoirs, il y a souvent un grand décalage.

C’est ainsi que nous nous étions demandés, cela fait déjà pas mal de temps, si le dispositif des domiciles était censé servir, initialement, dans le cadre du thème natal ou s’il n’était pas d’abord à exploiter au niveau cyclique. Par ailleurs, l’ensemble constitué par les domiciles et les exaltations peut-il être complété comme l’ont fait les astrologues à partir du XIXe siècle, brisant ainsi la symétrie initiale des doubles domiciles laquelle fait visiblement référence au processus soli-lunaire avec sa réversibilité : on va des luminaires jusqu’à Saturne et l’on revient de Saturne vers les luminaires, placés zodiacalement côte à côte…

Mais quant au thème natal, lui-même, quelle était sa fonction initiale ? Nous pensons qu’il fut d’abord utilisé au niveau médical, en cas de crise, d’accident avant de servir au niveau proprement psychologique dans un sens plus général . En dédramatisant la dimension pathologique du thème, on finit par en faire une sorte de carte d’identité accompagnant la personne tout au long de sa vie. Probablement, l’astrologie horaire a-t-elle précédé chronologiquement l’astrologie généthliaque.

On peut encore se poser d’autres questions. Les signes zodiacaux, au départ, étaient-ils porteurs de significations liées à leur symbolisme ou celui-ci ne servait-il qu’à situer les astres dans le ciel. Encore faudrait-il évidemment savoir comment on déterminait le découpage en 12 du Zodiaque ? De toute évidence, celui-ci, initialement était couplé avec les conjonctions lune-soleil, sinon pourquoi cette division en 12. Or, les astrologues en règle générale ne calent plus leur zodiaque selon un tel critère et cela ne date pas d’hier, ce qui ne change rien à l’affaire du moins si l’on veut asseoir l’astrologie sur des données cosmiques « objectives », concrètes et pas seulement conventionnelles. La division en 12 des maisons n’est qu’une transposition analogique du découpage zodiacal mais cette fois, elle ne repose plus sur aucun critère astronomique pertinent, d’où d’ailleurs la diversité des modes de trisection des angles, au niveau de la domification, encore que cela ne marche même pas au-delà du cercle polaire, sauf pour les maisons égales. Le Zodiaque tropique nous apparait donc comme une déviance par rapport au dispositif d’origine. En effet, une chose est de privilégier la lunaison la plus proche de l’équinoxe de printemps, une autre de partir, carrément, du dit équinoxe pour déterminer le signe du bélier. Le calcul de la Pâque, est un bon exemple de ce que les astrologues auraient du continuer à faire. Dans le cas du zodiaque sidéral, la situation est différente en ce qu’il s’articule sur des séries d’étoiles, appelées constellations. Certes, il ne correspond ni aux lunaisons, ni au point vernal, mais il traite des configurations entre planètes et étoiles, ce qui est plus concret que le passage d’une planète sur un zodiaque abstrait. Comment pourrions nous tenir compte de frontières entre signes uniquement dues au calcul ? Si l’on peut à la rigueur admettre de s’intéresser au passage d’une planète sur les équinoxes et les solstices comme, dans le mouvement diurne pour les angles, la trisection est, en revanche, une totale abstraction. A la rigueur, une division en huit – donc une bisection- trouverait plus de légitimité et est d’ailleurs attestée[1] car elle serait calquée sur la dualité jour/nuit, présence/absence, qui est une dialectique universelle à la différence de la trisection qui repose sur une donnée contingente, à savoir les rapports entre la lune, satellite de la terre et l’étoile pivot du système solaire. Là encore, il n’y a rien d’universel dans un tel dispositif/ Si la Terre avait eu une lune plus rapide ou plus lente, le découpage de l’année eut été différent. Si la Loi de Bode fait sens, la prise en compte de la Lune est une aberration scientifique qui ne fait sens que si l’on admet le caractère purement conventionnel de l’astrologie, ce qui est au demeurant notre point de vue. Ce n’est que bien plus tard que les astrologues, oubliant les origines juridiques de leur science ont prétendu se situer sur le terrain de l’astronomie pure, ce qui les entraine aujourd’hui, bien à tort, à intégrer de nouvelles planètes, vouées comme Vulcain ou Pluton, à bien des avatars sans parler de Cérés qui se retrouve, deux siècles après sa découverte, appartenir à un type d’astéroïdes se comptant par milliers [2].

Passons à présent aux classifications des signes et aux aspects. Ces dispositifs ne sont nullement voués à respecter le système tropique saisonnier mais bien à le dépasser. Si l’on met dans un même groupe les quatre signes correspondant à des saisons fort différentes, à commencer par l’opposition cancer-capricorne, c’est bien pour dire que le rapprochement avec l’Eté et l’Hiver n’est plus, si l’on peut dire, « de saison » et que cancer et capricorne correspondent à un repéré visant à découper le cycle planétaire en quatre, sans accorder la moindre importance au climat. On est donc dans une logique extra-saisonnière, parfaitement compatible avec l’astrologie sidéraliste. Jean-Pierre Nicola en cherchant à tenir compte du rapport diurne/nocturne pour fonder son zodiaque réfléxologique n’a pas su prendre ses distances par rapport à la division en 12 ni par rapport au tropicalisme lequel ne valait que dans le cas du soleil.

Enfin, en ce qui concerne les aspects, ce n’est selon nous que tardivement que l’on a distingué entre deux catégories d’aspects – ce que Nicola a cherché à justifier au niveau numérique – ne respectant un principe posé par Jean Carteret, à savoir la dialectique de la présence et de l’absence. Il y a ou il n’y a pas aspect tout comme il y a ou il n’y a pas lumière ou chaleur. Il y a ou il n’y a pas connexion. L’aspect « dissonant » c’est le non aspect, ce n’est certainement pas l’aspect de 90 ou de 180° qui sous-tendent la répartition des signes en cardinaux, fixes et mutables. Quant aux triplicités (Quatre Eléments), leur existence même montre à quel point l’astrologie est peu tropicaliste puisqu’elle divise le zodiaque en trois séries de quatre signes et non plus en quatre. On a affaire à une astrologie post-tropicaliste et le fait qu’il y ait eu par la suite une résurgence du tropicalisme n’y change rien pas plus que la mode de l’intégration de nouvelles planètes à une époque récente.

Être historien de l’astrologie implique de ne pas croire à une évolution linéaire mais de rétablir une chronologie rationnelle dont le principe est le suivant : si un dispositif comporte des contradictions, c’est qu’il comporte des états successifs, ce qui donne une profondeur de champ. Il ne faut pas écraser la temporalité, la diachronie au nom d’un structuralisme de mauvais aloi et d’une pratique qui se voudrait souveraine et qui visiblement vient valider les systèmes les plus divers, tout simplement parce que l’astrologie n’est plus qu’un support de la consultation divinatoire, l’astrologue ayant pris le dessus sur l’astrologie. Quand l’astrologue dit que « son » astrologie marche, il renvoie avant tout à ses propres performances sans d’ailleurs très bien savoir de quoi il retourne.

>[Jacques Halbronn]


En illustration, un homme-zodiaque – almanach médical, British Library, 1399.

[1] Voir le dominion de Patrice Guinard, Le Manifeste, sur le site cura.free.fr

[2] Voir l’exposé de John Addey, au colloque de Londres 1981, bientôt en ligne sur teleprovidence.