Je viens d’apprendre avec désolation l’incendie de l’Institut d’Égypte au Caire. Fondé par Napoléon pour permettre les recherches sur la civilisation égyptienne, ses archives renfermaient nombre de documents, livres et cartes absolument uniques dont la disparition laisse un vide que bien souvent aucune autre bibliothèque ne pourra combler. Cet événement, bien qu’aisément explicable étant donné les événements actuels, vient s’ajouter à une liste, malheureusement fort longue, de diverses déprédation ou disparition du patrimoine de l’humanité lors des troubles, révolutions ou guerres qui ensanglantent régulièrement les pays de la région, depuis le pillage de la plupart des musées archéologiques lors de la guerre d’Irak, les nombreux vols d’objets anciens commis au Musée Archéologique du Caire ou la destruction à coup d’obus des bouddhas géants de Bamiyan par les talibans afghans. Dans la plupart des cas, les déprédations ont eu lieu en toute conscience des pouvoirs publics des pays, au mieux avec leur assentiment muet, au pire de leur propre volonté.

Alors que faire ? L’homme est ainsi fait qu’il reste dans une partie du monde d’une irresponsabilité affligeante et je ne pense pas qu’il soit possible de lui insuffler la nécessité du respect de ces témoignages uniques quand il brandit une kalashnikov et hurle des slogans vengeurs souhaitant la mort (ou pire) à la moitié du genre humain.

Faire comme le Royaume Uni en son temps, c’est-à-dire ramener les trésors égyptiens au British Museum et surtout, surtout ne pas les rendre quand le pays enfin modernisé en fait la demande ? Ou comme l’Allemagne dont le Pergamon Museum à Berlin a pu sauvegarder des dizaines de milliers de tablettes sumériennes irremplaçables qui seraient aujourd’hui détruites ou pillées avec celles qui sont restées sur place ?

Pour les documents, il est encore possible à tout le moins de les numériser et d’en garder une copie à l’abri au cas où les originaux se trouveraient détruits, mais comment faire pour les bouddhas de Bamiyan dont certains mesurent plus de cinquante mètre de haut ? Réhabiliter le colonialisme culturel et piller systématiquement les patrimoines nationaux des pays instables pour les ramener chez nous ?

Je ne pense pas qu’il y ait une réponse unique et indiscutable à ce problème, mais je crois que plutôt que de numériser les fonds de la BnF qui restent de toute façon bien au chaud dans les réserves, peut-être serait-il judicieux d’utiliser un peu de ces budgets pour aller numériser les fonds les plus en danger de par le monde. Il sera toujours temps plus tard d’aller rouvrir les portes des réserves de Tolbiac pour mettre à la disposition des internautes tel ou tel volume rare.

En tout cas, pour les documents de l’Institut d’Égypte, il est trop tard.

ZE BLOG