LES COMPAGNONS de SIMON de MONTFORT

1-15.jpg Nous avions laissé Lambert de Thury en terre Cathare, ( Voir le chapitre #2 – La Dynastie des Cassini & la Roseline du 17 Janvier) ; et plus précisément en Razès, en nous posant cette question qui sous-tend notre réflexion depuis le début : Lambert de Thury est-il originaire de Thury (en Clermontois), point d’ancrage des Cassini ?

IV – LAMBERT DE LIMOUX, DE THURY, DE CREISSI, EST-IL ORIGINAIRE DE THURY-SOUS-CLERMONT ?

Pour tenter d’y répondre, nous allons examiner de plus près ceux que l’on appela « les compagnons de Simon de Montfort », le quarteron de fidèles qui ne l’abandonnèrent pas une fois la période d’indulgence que le Pape Innocent accorda aux croisés pour aller extirper l’hérésie qui prospérait dans le Languedoc cathare.

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L’essentiel est encore une fois donné dans les textes présentés lors du dernier article : la « Canso de la Crosada », « Historia Albigensis » et « Chronica magistri Guillelmi de Podio Laurentii ».

A partir de ces textes, sans toutefois être totalement exhaustif, nous pouvons dresser une liste des principaux compagnons qui suffira à notre démonstration :


A – Les compagnons cités comme ayant décidé de rester avec Simon après la prise de Carcassonne (1), sont les suivants, dans l’ordre d’apparition sur scène :

– Simon de Saissi ;
– Robert de Péqui, ou de Piquigny ;
– Guillaume de Contre ;
– Guy de Lévis, ou Guy le Maréchal ;
– Robert de Forsoville ;
– Lambert de Thury, ou de Creici, ou le Sénéchal ;
– Rainier de Chaudron ;
– Raoul d’Agi ;
– Pons de Beaumont ;
– Jean de Beaumont, son frère ;
– Vicomte de Saintonge ;
– Rogier d’Andelys ;
– Rogier de l’Issart ;
– Hugues de Lacy.

B – A ces quatorze, on peut encore rajouter les noms ci-après qui apparaissent plus loin dans le récit, et plus longuement dans la Canso et qui sont manifestement portés par des proches de Simon :

– Alain de Roucy ;
– Bouchard de Marly ;
– Foucault de Berzy ;
– Perrin de Saissi ;
– Philippot, ou Philippe de Goloen ;
– Pierre de Voisin ;
– Raymond de Salvanhac ;
– Robert de Mauvoisin.

Donc en tout 22 preux.

Il y en a d’autres, mais mentionnés de façon trop épisodique pour être retenus ici et encore moins assurés que ceux de cette liste.

Pour les premiers, la Canso dit expressément que ces quatorze ont reçu de Simon des fiefs en terre Cathare, plus précisément, mais la liste n’est malheureusement pas exhaustive, on relève :

Lambert à Limoux, Guillaume de Contre dans le Biterrois (il recevra plus tard également Castel-Sarrazin), les autres se sont vu attribuer des lots « qui au nord, qui au sud, pour garder la terre là où il (Simon de Montfort) lui parut bon ».

On peut avoir une idée de ces fiefs en relevant la liste des châteaux et possessions restant à Simon à la fin de l’année 1209. Dans « Histoire générale de Languedoc » (2), on peut lire :

« Enfin, la défection fut si générale à la fin de l’an 1209 que Simon perdit dans un très petit espace de temps plus de quarante châteaux qui secouèrent le joug de son obéissance, et qu’il ne lui restoit plus à Noël de toutes ses conquêtes, que Carcassonne, Fanjaux (sic), Saissac, Limous (sic), dont on desesperoit même, Pamiers, Saverdun, Albi, et le château d’Ambialet voisin de cette dernière ville. »

On peut compléter toutefois ces maigres indications en incluant également ceux de la liste B) et en prenant en compte d’autres mentions faites plus loin dans le texte, ou par des faits historiques avérés : Lévis-Mirepoix, ou Pierre de Voisins à Rennes-le-Château, par exemple.

On a vu que Guillaume de Contre reçut Castel-Sarrazin, Rogier de l’Issart se voit désigné plus tard comme « Châtelain de Carcassonne » (après que Simon soit devenu Comte de Toulouse ?), Hugues de Lacy est seigneur de Castelnaudary, Villesavary et Laurac, Bouchard de Marly, de Saissac, Robert de Mauvoisin, de Durfort, Alain de Roucy, de Montreal et Bram, Perrin de Saissi, de Verdun-sur-Garonne, Raymond de Salvanhac, de Pezenas et Tourbes, Pierre de Voisins, du Razès, Guy de Lévis, de Mirepoix.

Ailleurs, certains historiens ont déduit de l’analyse des textes que Pons de Beaumont aurait été « Bailly de Gaillac » (3).

Quant à Lambert de Thury, on le connaît aussi comme seigneur de Puivert et de Puychéric (4). Dans le même ouvrage cité plus haut (2), il est relevé que Eudes le Queux, Sénéchal de Carcassonne, Lieutenant du Roi dans la province, assigne, en avril 1234, « à Béatrix veuve de Lambert de Limous, et à ses fils, Lambert et Simon de Turey ou de Touri, 1 500 livres de rentes sur diverses terres de la sénéchaussée de Carcassonne, et leur donna entr’autres, celles de Saissac, Pecheric (5), Beaufort (6), Asillan-le-Grand (7), Pardaillan (8), etc. ».

Enfin, Patrick Ferté (9) cite les dires du Docteur Courrent, « celui-là même qui soigna en vain l’abbé Saunière après son attaque du 17 janvier 1917″, relatant une sortie de la Société d’Etudes Scientifiques de Carcassonne le 30 juin 1935 dans le Rébenty : “le château d’Able (10) protégeait la communauté de Joucou (10) et son monastère. … Après la guerre des Albigeois, le château et la seigneurie de Joucou furent donnés à Lambert de Thury ».

Tentons maintenant d’établir l’origine géographique initiale de ces compagnons de Simon.

Plusieurs ont été identifiés assez vite et la localisation du fief d’origine ne souffre guère de contestation :

– Simon de Montfort : Montfort-l’Amaury, département des Yvelines, Arrondissement de Rambouillet, Canton de Montfort ;

– Guillaume de Contre, Chevalier Bourguignon, lieu-dit au nord du bourg d’Urzy, Arrondissement de Nevers, Canton de Guérigny dans le Département de la Nièvre ;

– Guy de Lévis, Lévis-Saint-Nom, Arrondissement de Rambouillet, Canton de Chevreuse, département des Yvelines ;

– Raymond de Salvanhac est expressément désigné comme bourgeois de Cahors ;

– Pierre de Voisin, famille originaire du lieu-dit Voisins, au nord-est du chef-lieu de la commune de Saint-Hilarion, Canton de Rambouillet, département des Yvelines ;

– Bouchard de Marly : cousin d’Alix de Montmorency, l’épouse de Simon de Montfort, il est très certainement originaire de Marly-le-Roy, Arrondissement de Saint-Germain-en-Laye, Département des Yvelines

Pour tous les autres, ou presque, soit le lieu est totalement inconnu, soit des doutes ont été émis ou peuvent être émis sur l’origine proposée. Voyons plus en détail l’état des lieux que l’on peut établir (11).

Simon de Saissi :

Poissy, Arrondissement de Saint-Germain-en Layes, Département des Yvelines ?

On a également un « Château de Poissy », commune de Soindre, Canton de Guerville, Arrondissement de Mantes-la-Jolie, Département des Yvelines, proche des Mauvoisins (voir plus loin) qui, eux auraient été installés au Château-fort d’Arches (sic) !, dans la même commune ce qui rend alléchante cette localisation !

Robert de Pequi :

Rien de bien convainquant ! Tout d’abord le nom même n’est pas assuré ; on a « de Pochi » (présent en 1219 à Damiette) ?, de Pègue ?, si ce n’est le Robert de Piquigny mentionné ailleurs ? « Robertz de Pequeni, de Penquenis », Penquernis, de Piquigni.

La localisation du fief d’origine généralement proposée fait référence au Piquigny de la Somme, près d’Amiens, mais ne me paraît pas devoir être retenue… D’autant plus qu’il est mentionné comme « normand » dans la Canso, terme pouvant être assez lâche à l’époque, on trouve par exemple au XIVème siècle, comme étant du « Vexin », des chevaliers manifestement de la région parisienne…

Robert de Forsoville :

Idem ! Le nom, qui peut être traduit comme « Ville forte », ou fortifiée, est extrêmement commun : comment les départager ? La localisation proposée généralement fait référence au Forceville dans le Pas de Calais, à l’embouchure de l’Authion. Pas convainquant !

Rainier de Chauderon :

Idem ! Le nom de Chauderon, ou Caudron, ou Chaudron, ou Calderon, est – contrairement à ce que l’on pourrait penser ! – très répandu (12). La localisation habituellement proposée fait référence à Chaudron, Maine-et-Loire, arrondissement de Cholet, Canton de Montrevaux ? Ou, Chaudron dans l’Aisne, le Doubs ou l’Yonne ?

On a aussi un lieu-dit « Le Clos Chaudron » à Crespière dans le département des Yvelines, malheureusement simple lieu-dit qui peut difficilement avoir recélé un château…

Raoul d’Agi :

La localisation proposée est habituellement Aci, Aisne, Arrondissement de Soissons, Canton de Braines.

Cependant, on remarque les lieux suivants : Acy-en-Multien, Arrondissement de Senlis, Canton de Betz, Département de l’Oise (13) ?, ainsi qu’Achy, Canton de Marseille-en-Beauvaisis, Département de l’Oise ?

Ces deux localisations me paraissent plus justifiées que celle proche de Soissons.

Pons et Jean de Beaumont :

Les auteurs sont muets sur la localisation de cette famille.

On a pourtant Beaumont-sur-Oise, Arrondissement de Sarcelles, Département du Val d’Oise ? (proche Thury et Clermont-en-Beauvaisis), bien alléchant !
Un site sur les croisades (http://www.earlyblazon.com/earlyblazon/events/albigeois.htm) fait de Jean de Beaumont le « Seigneur de Coubron, Villemomble and Clichy-la-Garenne ; Chambrier de France à partir de 1240 », mais ne parle pas de Pons… Ces communes sont dans le « 93 » (Seine Saint-Denis, Canton de Montfermeil, à l’Est de Paris, proche de Chelles).

Vicomte de Saintonge :

Ce ne peut être la Saintonge, qui n’a jamais connu de Vicomte : là-dessus, tout le monde est à peu près d’accord. L’hypothèse retenue habituellement, mais qui ne me convainc nullement serait de lire de Donges (Loire-Atlantique, près de Saint Nazaire).

Le mystère demeure ainsi opaque…

Rogier d’Andelis :

La localisation bien entendu habituellement proposée est celle des Andelys, Arrondissement et Canton des Andelys, Département de l’Eure. Seulement, on a du mal à y trouver un Rogier… Ne pourrait-ce pas être Andelu, Canton de Guerville, Arrondissement de Mantes-la-Jolie, Département des Yvelines ?

Rogier de l’Issart :

Là également, on a à faire à un nom extrêmement commun (les Essart, lieu-dit faisant référence à un endroit défriché, « essarté » en français d’aujourd’hui). La localisation habituellement proposée est celle des Essarts, Canton de Damville, Arrondissement d’Evreux, Département de l’Eure. Cependant une localisation me semble plus convaincante : Les-Essarts-le-Roi, Canton et Arrondissement de Rambouillet, Département des Yvelines, commune limitrophe de celle de Lévi-Saint-Nom ?

Hugues de Lacy :

Si on rejette la localisation très certainement erronée évoquée ci-dessus, on peut relever une commune Lassy dans le Val-d’Oise, proche de Beaumont-sur-Oise. (14)

Alain de Roucy :

La seule localisation proposée est Roucy, arrondissement de Laon, Département de l’Aisne. Pas franchement convaincant non plus…, sachant qu’il était manifestement très proche de Simon de Montfort…

Foucault de Berzy :

Nom difficile à cerner exactement : on a Foucault de Berzi, Folcaus, Folcau de Berzi, de Brezi, de Berzis, « Fulcaudus de Berzeio », de Merli.

La seule localisation proposée est Berzy-le-Sec, Canton de Soissons-Sud, Arrondissement, Département de l’Aisne. Même remarque, quoique même région, donc cela rend déjà cette localisation plus plausible ?

Perrin de Saissi :

Quasi certainement d’une autre famille que le Simon de Saissi rencontré plus haut. Il est également appelé : « Petrus de Sissi », Perrin de Cissey. Aucune localisation ne peut être proposée, même si on peut repérer un Cissey en Bourgogne – Mercueil, au sud de Beaune -, et un dans l’Eure – Grossoeuvre, au sud d’Evreux –

Phillipot :

Ou Philippus de Goloen, de Guoloen, « Philippus Goulavanni ». Les auteurs consultés restent « secs » sur une localisation du fief d’origine. Pourrais-je proposer la région du Pays de Gohelle, à cheval entre l’Oise et la Seine-et-Marne ? : voir également note (13)

Robert de Mauvoisin :

Pour ce preux-là également les auteurs semblent avoir du mal à le localiser. Pourtant, cette question reçoit une réponse évidente, quasi certaine : Boissy-Mauvoisin, Canton de Bonnières-sur-Seine, Arrondissement de Mantes-la-Jolie, Département des Yvelines. On a également à proximité, Fontenay-Mauvoisin, idem et Jouy-Mauvoisin, idem. De fait, Boissy et les autres communes dépendaient de la Seigneurerie des Mauvoisin, située sur Boissy : voir également la carte de Cassini.

Reportons alors ces maigres indications, quelles soient assurées ou moins, sur une carte > Géoportail :

La légende est la suivante :

• Rond rouge : localisation assurée

• Rond jaune plein : localisation probable

• Rond jaune contour : localisation hypothétique

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Ouest de Paris

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Nord et Nord-ouest de Paris

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Nord et Nord-Est de Paris

On remarque surtout que les points colorés se répartissent « grosso-modo » en deux secteurs :

– l’un à l’ouest/sud-ouest de Paris ;

– l’autre, au nord et nord-est de Paris.

Tous ces points, en tout cas, ce qui est somme toute est normal, sont situés en région parisienne.

En effet, il faut bien s’imaginer cet engagement dans les croisades à l’époque. Ceux qui partaient se rassemblaient, par « Pays » – les chroniques en font foi -, se connaissaient entre eux, qui par lien de vassalité, ou familial, qui parce qu’il participait à la même communauté, se retrouvant aux mêmes grandes occasions – fêtes, tournoi, « montre », évènements religieux, etc. – ou liés à une même fondation religieuse : on retrouve en effet, dans le cas qui nous préoccupe, les mêmes donateurs tant pour le bien de l’abbaye des Vaux-de-Cernay proche de la Vallée de Chevreuse (15), que pour le monastère fondé par Dominique à Prouille, en Languedoc cathare, près de Fanjeaux, dans l’Aude (16).

Deux exceptions – qui confirment la règle ? – : il s’agit de Guillaume de Contre et Raymond de Salvanhac.

Le premier est expressément noté comme bourguignon ; après une première période où il semble proche de Simon de Montfort, il apparaît qu’il rejoigne assez rapidement ses terres sans rester en Occitanie. On peut, pour ce croisé, risquer une hypothèse.

4-10.jpg Le Duc de Nevers qui avaient emmené les « bourguignons » de la croisade était « idolâtré », semble-t-il, par Simon de Montfort. Le Duc, pourtant, à la fin de la période de 40 jours, décida de quitter la croisade, estimant qu’ayant eu son quota d’indulgences, il avait d’autres chats à fouetter ou – peut-être – parce qu’il était écœuré par les atrocités commises… et « laissa en plan » Simon à Carcassonne. Simon en fut profondément blessé : cela se lit entre les lignes des textes sur cette croisade. Guillaume décide cependant de ne pas suivre son Duc et de rester : Simon lui en fut alors particulièrement reconnaissant ?
Pourquoi alors, nous dira-t-on, n’en serait-il pas de même en ce qui concerne Lambert de Thury ? On peut relever, outre ce qui va être dit sur les armes de Thury, que Lambert semble avoir été beaucoup plus proche de Simon que Guillaume, notamment au niveau des liens familliaux : on peut noter que la prore veuve de Lambert est sensée avoir épousé le frère de Simon, Guy de Montfort et que le fils de Lambert aurait épousé une fille Voisin, dont on a vu la localisation de la famille en île de France.

Le second était, de fait, le banquier et le financier de la campagne de Simon, les « bourgeois » de Cahors étant, semble-t-il à cette époque, particulièrement appréciés pour leurs capacités dans ces domaines. Simon lui fait confiance en lui laissant « gérer » le butin obtenu après les sacs de Lavaur et de Minerve. Confiance non déçue semble-t-il, puisque ce bourgeois obtint des terres et des seigneureries, prises sur les « faidits ».

Dans ces conditions, on voit mal la localisation supposée bourguignonne de Lambert de Thury, qui en fait le seigneur de Thury dans l’Yonne (17) ; ses armes sont mêmes données : « d’or à trois aigles de sable, 2 et 1 ». Je ne parle même pas de Thury – en Côte-d’Or -, parfois mentionné, mais dont les seigneurs sont parfaitement connus et n’ont rien à voir avec notre Lambert.
Les armes supposées de Thury – Yonne – vont par ailleurs nous permettre de réduire à néant cette hypothèse d’une localisation de Lambert en Bourgogne.

En effet, Lambert de Thury et/ou son fils, prénommé également Lambert, ce qui a engendré quelques confusions, était expressément connu comme seigneur de Saissac, à la suite de Bouchard de Marly (18). Ceci depuis le premier tiers du XIIIème jusqu’au début du XIVème siècle : à partir de 1231 ou 1234.

Incrustées dans le mur qui surmonte la voûte de la porte d’Autan – le vent du Nord -, ou de Montolieu, datant du XIVe siècle, figurent trois blasons. Malheureusement un seul reste lisible aujourd’hui et représente les armes de la famille de l’Isle-Jourdain, originaire du Gers et seigneurs de Saissac à partir de 1340 ; ces armes portaient : « de gueules à une croix vuidée, cléchée et pommetée d’or, au filet en bordure d’argent », très proches de celles de Toulouse.

Au-dessous, la tradition rapporte que les deux blasons, plus petits, représentaient les armes des précédents seigneurs de Saissac, à savoir la « Communauté » de Saissac, à partir de 1303, et surtout celles de Lambert de Thury, seigneur – père et/ou fils – à partir de 1234.

3_blasons.jpg

Ces blasons devraient ainsi se lire :

– [1] l’un « d’argent aux 4 fasces de gueules », ou « burelé de gueules et d’argent », ce qui est quasiment la même chose, mais, d’une part, fautif car le terme « burelé » ne s’applique que lorsque l’on a au moins 5 pièces de chaque – or il semble que pour Saissac ces pièces ne soient que 4, et d’autre part, la première couleur serait alors le rouge, contrairement au précédent. Ces armes héritées des seigneurs initiaux de Saissac, dont le célèbre protecteur des cathares, Bertrand de Saissac, ami et protecteur des Trencavel, seraient alors bien celle de la Communauté de Saissac, sorte de petite république indépendante(19) :

Saissac

– [2] l’autre, « d’azur à un château d’argent à trois tours de même, maçonné de sable », qui ne serait alors rien d’autre que celui de notre Lambert !?

Armes de Lambert de Thury ?, armes de Saissac ancien,

Ce qui ne semble nullement invraisemblable : on aurait en effet des armes « parlantes » avec les tours de Thury !

[3] Le blason actuel perpétue d’ailleurs ces anciennes armes et remonte au moins au XVIIIème siècle, ainsi qu’on peut encore le voir sur la fontaine de la Place aux Herbes. Ces armes de Saissac portent : « d’azur à une tour d’argent maçonnée de sable ouverte du champ »

Armes actuelles de Saissac

Quoiqu’il en soit, on ne retrouve absolument pas les armes du Thury bourguignon qui sont connues : « d’or à trois aigles de sable, posés deux et un ».

Ce qui nous ramène, après un nouveau voyage dans notre ascenseur méridien, vers le Nord parisien, que nous allons rejoindre sans tarder afin d’étudier un dernier aspect de cette quête… nous voulons parler du :

 » Mystère de Crécy ».

Marc Lebeau © #3 – « Les Chroniques de Mars », novembre 2011 – (… @ suivre).

* * *

NOTES //

1 : vers 822 à 866 de la Canso de la Crosada.

2 : Histoire générale de Languedoc avec des notes et les pièces justificatives, composée sur les auteurs et les titres originaux … T. 5 / par dom Claude de Vic et dom Vaissète ; commentée et continuée jusqu’en 1830, et augmentée d’un grand nombre de chartes et de documents inédits par M. le chevalier Al. Du Mège.

3 : Revue historique, scientifique et littéraire du Département du Tarn, 15ème volume, Albi, 1898.

4 : à moins que ce ne soit son fils – voir plus loin -, qui portait le même prénom ?

5 : Puicheric, aujourd’hui, dans l’Aude, en face de la Montagne d’Alaric.

6 : dans le Minervois, département de l’Hérault.

7 : Azille, dans l’Aude, aujourd’hui, toujours dans le Minervois.

8 : Pardailhan aujourd’hui, Hérault, entre Saint Pons de Sommières et Saint Chinian.

9 : Arsène Lupin, Supérieur inconnu, La clé de l’œuvre codée de Maurice Leblanc, Guy Trédaniel, 1992. Voir le début du chapitre « Nègre et Joconde », p. 96.

10 : Joucou, commune de l’Aude, au sud-ouest de Quillan. Le château d’Able se situe à l’ouest à cheval sur les communes de Joucou et de Belvis.

11 : En fouillant de ci, de là, et surtout en examinant attentivement la toponymie des environs de Paris !, les localisations proposées paraissent souvent plus réalistes que la localisation généralement admise : par exemple, l’absurdité d’un Hugues de Lacy dans un fief anglais ; voir Wikipédia http://fr.wikipedia.org/wiki/Hugues_de_Lacy_%281er_comte_d%27Ulster%29. Hugues de Lacy, fait chevalier anglais fiefé en Irlande était considéré dans plusieurs ouvrages du XIXème, voire du XXème siècle comme étant le compagnon de Simon.

12 : plus de 80 lieux sur Géoportail !

13 : Pays de Multien et Gohelle, à cheval Oise et Seine-et-Marne, voir Philippot.

14 : Charles Bémont, in « Revue historique – 1897 – tome 64 », indique clairement que Hugues de Lascy était né aux environs de Paris.

15 : communes d’Auffargis et Cernay-la-Ville dans le Département des Yvelines.

16 : Dans « Histoire de Saint Dominique », Marie-Humbert Vicaire – Editions du CERF, 2004, on peut lire :

« Les croisés français, largement pourvus de terres confisquées dans le vicomté de Béziers-Carcassonne, se mirent alors de la partie (donner des biens au monastère de Prouille). Un chef routier réconcilié, Pierre l’Aragonais, avait donné le branle. Entre février 1212 et juin 1214, Frémis le Français, Robert Mauvoisin, Guillaume de l’Essart, Enguerrand de Boves, Hugues de Lascy, Lambert de Thury, Alain de Roucy, auquel il faut joindre Pierre de Vic, Hugues de Nant et Guy de Lévis, tous compagnons fidèles de Simon de Montfort, installés par lui dans les localités voisines de Fanjeaux, donnèrent au monastère quelques uns de leurs nouveaux biens. »

17 : Canton de Saint-Sauveur en Puysayes, Arrondissement d’Auxerre, Département de l’Yonne.

18 : voir mon article précédent. Lambert de Thury fils était Lieutenant de la sénéchaussée de Carcassonne, marié à Cécile de Voisins.

19 : On en a un exemple documenté avec la « Communauté d’Hautpoul/Mazamet » où les droits des habitants et les privilèges avaient été reconnus et accordés en 1275 par Jourdain de Saissac, chevalier faidit repenti, seigneur d’Hautpoul et auparavant de Saissac.

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