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Nous sommes heureux pour ce 17e numéro des « Chroniques de Mars » de présenter à ceux qui ne le connaissent pas encore notre auteur du mois… C’est à la Chartreuse de Sainte-Croix-en-Jarez que nous avons rencontré Patrick Berlier pour cette interview et pour la sortie de son dernier livre consacré à Jules Verne et à ses « matériaux cryptographiques ». Comme toujours avec Patrick Berlier c’est un livre d’une très grande érudition, qui fait appel à la symbolique, à la Langue des Oiseaux, à la Cryptographie…

Mais pas seulement comme nous allons le découvrir ensemble…

Les Chroniques de Mars No 17. INTERVIEW de Patrick Berlier, propos recueillis par Thierry E. Garnier.


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Chroniques de Mars
// Patrick Berlier bonjour et merci de nous accorder cet entretien concernant ton nouveau livre sur Jules Verne, mais tout d’abord avant de débuter cette interview revenons un instant sur ton actualité du moment avec la réédition de ton magnifique livre sur la Société Angélique… – Les deux tomes sont maintenant réunis en un seul volume, une œuvre complète consacrée à la Société Angélique… – Auxquels il faut ajouter un autre volume sur l’origine de la Société Angélique et aux mystères du Vieux Lyon… C’est un événement, d’autant que la première édition du tome 1 date de 2004, il y a onze déjà ! C’est bien sûr le seul livre, aujourd’hui en trois tomes donc, consacré à cette mystérieuse société secrète. Peux-tu nous retracer les grandes lignes de ton travail si considérable, près de 1000 pages de recherches aujourd’hui, avec exclusivement des documents inédits, nombre d’entre eux retrouvés aux Archives de la Bibliothèque de Lyon…

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Patrick Berlier // Le premier tome paru en 2004 était constitué de trois volets : d’abord une biographie inédite de Dom Polycarpe de la Rivière, prieur Chartreux du XVIIe siècle, auteur d’une douzaine d’ouvrages, membre de la Société Angélique, et dont la disparition mystérieuse reste encore une énigme – puis une première approche historique de cette société apparue à Lyon au siècle précédent – enfin une mosaïque de thèmes divers, des énigmes historiques liées à Dom Polycarpe ou à la Société Angélique. Je dois dire que ma découverte de cette société s’est faite en même temps que je rédigeais ce livre, grâce à un empilement de hasards qui m’ont amené à trouver les bonnes informations, en particulier le nom véritable du fondateur ou « rassembleur » de la Société Angélique, le riche magistrat Nicolas de Lange.

Avant même d’avoir terminé ce premier tome, j’ai entrevu la nécessité d’un second, car je possédais de la matière pour l’écrire. C’est à ce moment-là que j’ai dévoré les écrits de Claude-Sosthène Grasset d’Orcet, leur analyse par Limousin Espallier, et aussi le livre de Pierre Dujols, qui m’ont conforté dans mon opinion tout en m’apportant d’autres directions de recherche. Ce second tome est lui aussi composé de plusieurs approches.

Enfin la rencontre avec une lectrice des deux premiers tomes, passionnée par l’histoire de Lyon, m’a ouvert la voie de la recherche en archives, en poursuivant ce qu’elle avait entrepris. J’ai passé des heures au Fonds ancien de la Bibliothèque municipale de Lyon, et de même aux Archives municipales ou départementales, pour exhumer manuscrits et documents de l’époque. Tout cela constitue la richesse de ce troisième livre paru en 2012. C’est en quelque sorte une chronique de l’histoire secrète de Lyon au XVIe siècle, pour laquelle j’ai aussi choisi un mode narratif moins savant, accessible à tous, sans notes ni renvois.

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Chroniques de Mars // Comme pour la Société Angélique, ce livre sur Jules Verne est aussi un véritable monument de plus de 500 pages qui t’a demandé trois années de recherches acharnées, avec la lecture assidue des 80 titres de Jules Verne… ! Michel Lamy qui avait déjà écrit un livre sur Jules Verne introduit d’ailleurs ton livre de fort belle manière avec une très belle préface que nous redonnons ici dans notre WebZine. – Il y a une forme de continuité dans ton travail, c’est certain. Michel Lamy dit d’ailleurs : « Lorsque j’ai écrit Jules Verne, initié et initiateur, paru en 1984 chez Payot, j’ai vivement souhaité que d’autres chercheurs prennent la suite et auscultent, notamment, la littérature du XIXème siècle, une période carrefour de la pensée », finalement c’est exactement ce que tu fais. – Pourquoi d’ailleurs ce titre de « matériaux cryptographiques » ?

4_-_Michel_Lamy_portrait.jpg Patrick Berlier // Je tiens tout d’abord à remercier Michel Lamy pour sa disponibilité, l’accueil qu’il a fait à mon travail, et sa magnifique préface.

Dans son livre « Jules Verne initié et initiateur », Michel Lamy relevait déjà, à propos de « Voyage au centre de la Terre », l’emploi singulier par Jules Verne du mot « poulie », pour lequel Grasset d’Orcet développe toute une théorie. C’est ce qui m’a mis sur la voie des liens éventuels entre Jules Verne et Grasset d’Orcet, et je peux dire que ce passage n’est pas le seul qui semble inspiré des écrits de l’érudit, et cela avant même qu’ils ne paraissent !

Les principaux articles de Grasset d’Orcet ayant été rassemblés une première fois sous le titre « Matériaux cryptographiques », il paraissait logique et naturel de reprendre cette dénomination comme sous-titre de mon livre, qui cherche à démontrer que toute l’œuvre de Jules Verne est cryptée : il n’y a pas un seul des 80 titres qui ne contienne pas une connotation ésotérique soigneusement voilée.

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Chroniques de Mars // Avant d’entrer dans le vif du sujet, peux-tu nous parler un peu de Jules Verne ? Qui était-il vraiment ? Comment travaillait-il ? On voit bien que dans son œuvre, il y a une double lecture, celle pour les « enfants », et celle des « parents », pourrait-on dire ?

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Patrick Berlier // Jules Verne était un fou de travail. Mais il me faut briser l’image du grand-père bienveillant que semblent véhiculer les photos. De l’avis de ses descendants, l’auteur était parfois assez acariâtre. Disons qu’il ne supportait pas le bruit et l’agitation, aussi la vie parisienne qui avait été la sienne dans sa jeunesse ne lui convenait-elle plus guère. Après avoir occupé plusieurs appartements dans la capitale, il s’installa rapidement à Amiens, ville natale de son épouse, espérant que la tranquillité d’une ville de province lui conviendrait mieux, ce qui semble avoir été le cas puisqu’il y passa le reste de sa vie. Lorsqu’il voulait s’isoler d’avantage il se réfugiait dans une villa qu’il louait au Crotoy, petit port de pêche sur la baie de Somme, voisin d’Amiens. Très rapidement il fit l’acquisition d’un bateau, ancienne chaloupe de pêche, son premier « Saint-Michel ». Pour obtenir la quiétude absolue, il se faisait conduire, par un marin qu’il avait embauché, au milieu de la baie de Somme. L’horizon infini, la mer uniforme et calme, le silence, lui permettaient de mieux imaginer véhicules extraordinaires et machines futuristes. C’est dans ces conditions qu’il écrivit « Vingt mille lieues sous les mer »…

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Jules Verne fut un membre assidu de la prestigieuse Société de Géographie de Paris, puis il fut élu à l’Académie d’Amiens, et il fréquentait aussi la Société Industrielle de cette ville. L’auteur s’attarda dans chacune des bibliothèques de ces institutions, en particulier la dernière qui était riche en ouvrages techniques. Dans sa maison à Amiens il possédait aussi sa propre bibliothèque, forte de douze mille livres. On comprend que tout cela ait formé une documentation sans faille, d’une richesse incomparable.

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Après la parution en 1863 de son premier roman « Cinq semaines en ballon » Jules Verne avait signé un contrat avec l’éditeur Hetzel, qui dirigeait une « Bibliothèque d’éducation et de récréation » destinée à la jeunesse, avec ce mot d’ordre : éduquer et divertir. Les romans de Jules Verne s’adressaient donc aux jeunes, de fait ils sont faciles à lire et accessibles à partir de dix ou douze ans ; ils contiennent de nombreuses digressions scientifiques, historiques ou géographiques, avec en prime une syntaxe parfaitement maîtrisée et l’emploi systématique du mot juste. Mais Jules Verne savait bien que les parents aussi lisaient ses livres. D’ailleurs leur publication s’est étalée sur plus de 40 ans : les enfants ayant lu les premiers titres étaient devenus des grands-parents à la parution des derniers. Aussi y a-t-il inséré des allusions discrètes en utilisant les procédés de ce que l’on nomme d’une manière générique la « Langue des Oiseaux ». A ces deux catégories que tu évoques, les enfants et les adultes, il faut maintenant en rajouter une troisième : celle des « initiés », et là c’est tout un programme !


SUITE DE L’INTERVIEW de PATRICK BERLIER

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Chroniques de MARS // Interview de Jules Verne

Michel LAMY // Le mystère en pleine lumière

Entretien avec Patrick BERLIER // Jules Verne – Matériaux cryptographiques #1

Entretien avec Patrick BERLIER // Jules Verne – Matériaux cryptographiques #2

Entretien avec Patrick BERLIER // Jules Verne – Matériaux cryptographiques #3

Entretien avec Patrick BERLIER // Jules Verne – Matériaux cryptographiques #4

Michel GRANGER // Jules Verne, visionnaire ou prophète ?

Patrick BERLIER // Jules Verne et la carte de l’abbé Boudet

Yves BOSSON // « De la terre à la Lune » – L’obus capitonné de Jules Verne

Patrick BERLIER // Jules Verne – Matériaux cryptographiques – Sommaire

Emmanuel RIVIERE // Jules Verne dans l’espace

Patrick BERLIER // Le Pentacle de Jules Verne

Jean-Louis SOCQUET-JUGLARD // Jules Verne et la Serre de Bec

Patrick Berlier // Du dé du Serbaïrou au château des Carpathes

Michel MOUTET // Je ne sais rien sur Jules Verne

Jean-Marc ROLLAND // Le Centre international J. Verne demeure, même sans demeure

Jacques ERLICH // De la Société Angélique à la Société Jules Verne

Thierry E. GARNIER // Didier Hericart de Thury – In Memoriam

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THESAVRVS // Cinq semaines en ballon (1863) – Voyage au centre de la terre (1864) – De la terre à la lune (1865) – Aventures du capitaine Hatteras (1866) – Les enfants du capitaine Grant (1866 – 1867) – Vingt mille lieues sous les mers (1869 – 1870) – Autour de la lune (1870) – Une ville flottante (1870) – Les forceurs de blocus (1871) – Aventures de trois Russes et de trois Anglais dans l’Afrique australe (1872) – Le tour du monde en quatre-vingts jours (1873) – Le pays des fourrures (1873) – Une fantaisie du docteur Ox – Maître Zacharius – Un hivernage dans les glaces – Un drame dans les airs – La quarantième ascension française du Mont Blanc (1874) – L’île mystérieuse (1874 – 1875) – Le Chancellor (1875) – Martin Paz (1875) – Michel Strogoff (1876) – Un drame au Mexique (1876) – Hector Servadac (1877) – Les Indes noires – Un capitaine de quinze ans (1878) – Les cinq cents millions de la Bégum (1879) – Les tribulations d’un Chinois en Chine (1879) – La maison à vapeur (1880) – La jangada (1881) – L’école des Robinsons (1882) – Le Rayon-Vert (1882) – Dix heures en chasse (1882) – Kéraban le Têtu (1883) – L’étoile du sud (1884) – L’archipel en feu (1884) – Mathias Sandorf (1885) – L’épave du Cynthia (1885) – Robur le Conquérant (1886) – Un billet de loterie (1886) – Frritt-Flacc (1886) – Nord contre Sud (1887) – Le chemin de France (1887) – Gil Braltar (1887) – Deux ans de vacances (1888) – Famille-sans-nom (1889) – Sans dessus dessous (1889) – César Cascabel (1890) – Mistress Branican (1891) – Le château des Carpathes (1892) – Claudius Bombarnac (1892) – P’tit-Bonhomme (1893), republié sous le titre Fils d’Irlande – Mirifiques aventures de maître Antifer (1894) – L’île à hélice (1895) – Face au drapeau (1896) – Clovis Dardentor (1896) – Le sphinx des glaces (1897) – Le superbe Orénoque (1898) – Le testament d’un excentrique (1899) – Seconde patrie (1900) – Le village aérien (1901), d’abord publié en feuilleton sous le titre La Grande Forêt – Les histoires de Jean-Marie Cabidoulin (1901), republié sous le titre Le serpent de mer – Les frères Kip (1902) – Bourses de voyage (1903) – Un drame en Livonie (1904) – Maître du monde (1904) – L’invasion de la mer (1905) – Le phare du bout du monde (1905) – Le volcan d’or (1906) – L’agence Thompson and Co (1907) – Le pilote du Danube (1908) – Les naufragés du Jonathan (1909) – Le secret de Wilhelm Storitz (1910) – La chasse au météore (1910) – Aventures de la famille Raton – Monsieur Ré-Dièze et Mademoiselle Mi-Bémol – La destinée de Jean Morénas – Le Humburg – La journée d’un journaliste américain en 2889 – L’éternel Adam – ces six nouvelles ont été rassemblées sous le titre Hier et Demain (1910) – L’étonnante aventure de la mission Barsac (1919).