« La porte de l’invisible doit être visible. »

René Daumal

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Nicholas Negroponte, informaticien américain de renommée mondiale et professeur au Massachusetts Institute of Technology, disait l’année dernière : « le livre est mort, dans 5 ans il aura disparu… » Tout un chacun derrière son PC, son iBook, son portable, a alors pensé que l’ordinateur allait finir d’assassiner définitivement le livre… En ce début de XXIe siècle les humanistes ont aussi pensé que massacrer les forêts d’Amazonie, sur tous les continents, allait tuer les arbres plus que les livres. Au XXe siècle on a également pensé que le cinéma allait tuer le livre et aussi que trop de livres allait tuer le livre et que d’ailleurs le livre était déjà mort depuis bien longtemps puisque tout le monde, même parmi les plus analphabètes, en écrivait un en langage sms ou engageait un « homme de couleur » pour écrire à sa place… Alors finalement que penser de la chose imprimée, de son passé et de son devenir ?

En 1953, Ray Bradbury publie un ouvrage inspiré : « Fahrenheit 451 », qui augure les temps futurs où la mémoire enracinée des livres et les méandres puissants de l’oralité éclaireront dans la nuit brune des hommes, un facteur d’exigence et de salut. Au nom de la parole donnée.

Du XVe au XXe siècle, des pyramides mayas aux autodafés berlinois, bien des hommes et des livres meurent brûlés en place publique à cause de la censure ecclésiastique et des fascismes de toutes sortes. Au siècle des Lumières, l’obscurantisme ambiant de la pensée scientiste laisse accroire avec impudence que le livre est l’ultime refuge de l’intelligence. La véritable problématique contemporaine n’est d’ailleurs pas pour tout dire, celle du livre en tant que tel, du foulage ancien d’un O bas-de-casse sur un papier pelure, de l’encre noire sur la matière vivante, de la transformation du plomb en or, de la lumitype ou de la nanopublication, mais bien celle de la lecture, tout simplement. Où, sur quel support, et comment lit-on aujourd’hui ? A l’origine le livre est un rouleau (volumen) puis, d’Alexandrie à la British Library, il deviendra progressivement « codex », en feuilles parcheminées, calligraphiées, enluminées, coupées savamment et reliées entre elles pour former des livres d’abord, puis d’immenses bibliothèques ensuite.

La maladie de notre époque est celle de la « fixation », du classement entomologique, de l’accumulation irraisonnée, de l’exhaustivité irrationnelle, de la surabondance inutile, plutôt que laisser couler le flux et l’impermanence ; ce que Guénon avait parfaitement anticipé dans sa pensée forte sur le règne de la quantité comme signe privilégié des temps. Le questionnement sur le livre en tant que support majeur pose avant toute chose la problématique de l’écrit et de l’écriture. Autrement dit du chiffre arabe, de la lettre sanskrite, des symboles hermétiques et du sens caché de la calligraphie ancestrale, de la typographie et de l’ère numérique.

Au commencement était le Verbe disent les écritures – un son primitif et sauvage ondulant sans aucune faute sur l’écume des jours. En Orient, comme en Occident, la calligraphie n’est pas issue d’une forme fixe qui se développerait curieusement, en un seul accord, dans une linéarité chronologique, au sein d’un substrat historique composé subtilement en strates raisonnées par les civilisations anciennes et modernes. La calligraphie fait en réalité partie d’une dimension holistique immortelle, pour qui sait le voir, de l’essence des choses, de toute éternité, car elle est abyssalement confondue dans la mémoire des hommes, dans la profondeur du signe et de la trace, dans la vocalisation des voyelles tout comme dans l’harmonisation de la gamme. Une aventure à vivre, généreuse et instable, mettant en présence l’odyssée de la trace, gravée, écrite et imprimée, de la lettre latine calligraphiée comme de l’hexagramme chinois, de l’arbre séfirotique aux runes d’Odin, sans oublier les coquillages mantiques. Cette pensée paradoxale amène surtout à reconsidérer le calligraphe et la calligraphie comme des matières vivantes et changeantes, nobles, naturelles, en capacité de se développer en volume, en 3D, comme un arbuste que l’on taille patiemment, comme un nuage que l’on sculpte…

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Michel Fornasero, ami des lettres, des arbres et de la forêt, nous présente ce mois-ci un ouvrage d’une rare intensité intitulé : « Bonsaï et Calligraphie », sur la pratique de la calligraphie et sur l’art ancestral du Bonsaï. Un livre à offrir, tout autant qu’à méditer, pour tous les amoureux de l’art de la belle écriture comme pour tous ceux, chamans des temps accomplis, qui considèrent véritablement le repère dans le sable du désert, le geste calligraphié, à la plume d’oie, au pinceau ou au calame, comme une réminiscence certaine de la maîtrise de l’encre sur le support choisi. Un pas à accomplir, un cerisier à tailler, la courbure cristalline d’une paupière de lune, l’envol infini d’une lettre dans l’espace, au pays des cygnes blancs.

Lorsqu’à rebours les racines solaires d’Yggdrasil, le grand arbre primitif s’élevèrent vers les cimes, les nuages pourpres descendant croisèrent alors le mont Analogue et l’homme-oiseau tapi sans bruit derrière le miroir rejoignit en un seul point le langage des dieux. Au XVe siècle quand les livres sont nés, personne, à ce moment-là, n’a prophétisé que le livre allait mourir, mais l’on s’est demandé alors :

« – Qui donc va maintenant raconter des histoires, le soir à la veillée ? »

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CHRONIQUES DE MARS >NUMERO 7

ZE Insider of Mars – Only HUMAN

Yves BOSSON – Les Voyages vers MARS !

Rémi BOYER – Martinisme et Modernité # 1

Christian CATHER – Le secret de Florence

Thierry E GARNIER – « Le Livre au ROUGE » Carl Gustav Jung

M. M. – À la recherche de l’Émeraude Alchimique

Jacques HALBRONN – Les Chroniques d’un Astrologue

Michel FORNASERO – Orient-Occident – Bonsaï et Calligraphie # 1

Michel FORNASERO – Orient-Occident – Bonsaï et Calligraphie # 2

Patrick BERLIER – Les Mystères Franc-Comtois # 3 – Les Salines royales d’Arc-et-Senans

Marc LEBEAU – La Rose LINE & Les CASSINI # 3

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